Oui, nous nous faisons plaisir. Et alors ? Sous prétexte que l’on travaille, il faudrait sacrifier bonne humeur et moments hors du temps, si magiques qu’ils en deviennent intensément infimes sur l’échelle du temps qui trouve un malin plaisir à rendre inversement proportionnelles joie et durée ? Nous disons non. Quand nous avons la possibilité de croiser le chemin d’un humain que nous aimons, voire que nous admirons, nous tentons de ne pas passer à côté. C’est ainsi que l’on retrouve les JJ, vaguement bringuebalées, sensiblement écoeurées, dans un train en direction de Bienne, destination pour le moins improbable pour y rencontrer la fine fleur du cinéma français. Et pourtant. À l’occasion du justement nommé et intelligemment organisé, puisque sur territoire bilingue, Festival du Film Français d’Helvétie, nous avons eu la chance et le privilège de passer quelques instants en tête à têtes avec Agnès Jaoui.
Nous avons tous en tête une réplique issue du cerveau du Jacri, de la plume acérée et exigeante du Baoui, des réflexions sur la nature humaine du talentueux duo formé par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Du collier de chien de Catherine Frot à l’horoscope de Zabou Breitman, en passant par l’ennui désabusé de Gérard Lanvin et la poigne bio de Grégoire Oestermann, on se délecte des mots qu’ils ont fait prononcer à leurs acteurs. Et à eux-mêmes. Avec virtuosité.
Il y a la productrice TV enchaînée à son écouteur de téléphone, la fille un rien revancharde, l’assistant qui brasse de l’air, le compagnon culpabilisé, l’autre compagnon bonhomme et joyeux, le youtubeur irrespectueux et puis les voisins mécontents. Entourée d’actrices et d’acteurs absolument fantastiques, Agnès Jaoui ouvre une porte un peu grinçante sur les rapports que nous entretenons avec nos congénères à l’ère du portable partout et tout le temps et des médias qui privilégient sensation à réflexion. Pas (trop) loin de la ville, le parisien est en goguette à la campagne. Une fête, une crémaillère, bat son plein et mélange les thèmes et les gens, l’irrévérence de la jeunesse nargue l’implacabilité de l’âge sous couvert de célébrité et de gloire facile. On pourrait croire à une caricature si ce n’est que la réalité est souvent bien moins nuancée et subtile.
Le rythme scandé du Bacri bougon et les piques bien senties d’une Jaoui engagée sont au rendez-vous, soutenus par une bande-originale composée de madeleines de Proust, de notes imaginées par Agnès et interprétées par son comparse musical Roberto Gonzalez Hurtado. Que dire d’autre ? Que nous avons ri, que nous avons souri, que nous avons réfléchi, que nous avons aimé, tout simplement. Une fois encore, après l’image de la pluie sur un air de cuisine du conte des autres, merci Agnès Jaoui, merci le Jacri.
de et avec Agnès Jaoui, co-écrit avec Jean-Pierre Bacri
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