Ça vous arrive souvent de sortir d’une séance de cinéma avec un sentiment de plénitude ? Mais de plénitude angulaire, vous voyez, comme une satisfaction sans courbe, comme un souvenir qui va ricocher encore longtemps avant de s’estomper. Comme une petite bille de flipper qui rebondit sur le cadre d’un carré, encore et encore, comme un pavé dans la mare. Comme un pavé dans The Square.

Nous avons beau adorer le Danemark, comme nous l’avons déjà prouvé lors d'(au moins)une occasion, il ne nous serait pas venu à l’esprit que notre prochain coup de boule cinématographique viendrait du pays du Hygge. Enfin, pas uniquement, surtout de Suède, aussi d’Allemagne et de France, avec les coproductions on ne sait jamais vraiment d’où vient un film… Tout ça pour dire que nous avons été charmées, non, bluffées, toujours pas, ébranlées, c’est peut-être un peu trop, soyons claires, secouées, par la dernière Palme d’or en date. Prenant place dans un musée d’art contemporain au moment de l’installation d’une nouvelle exposition, un cadre lumineux dans lequel la bienveillance est reine, le film évoque une tranche de vie de Christian, Conservateur, père, divorcé.

https://www.youtube.com/watch?v=zKDPrpJEGBY

Mais que raconte au fond cette exposition ? Et puis, c’est quoi l’art au fait ? Est-ce que finalement Christian sait répondre à cette question de manière simple et explicite ? Plus que le commun des mortels ? Ne se fait-il pas finalement l’écho des gargarismes d’une sorte d’élite condescendante, de cette pseudo caste de bobos dont nous faisons partie, nous, le public de ce genre de film, en version originale, sur des écrans indépendants, primé dans les festivals par ses pairs ?

Après avoir vu cette oeuvre sur écran aux images virtuoses qui brutalisent la bien-pensance, nous questionnons sans même nous en rendre compte l’humanité qui nous habite et que nous croyons indécrottable et sans faille. Grossière erreur… Sommes-nous toujours considérés comme des humains quand nous sommes menacés ? Quand nous sommes face à la misère ? Quand nous sommes en meute ? Quand on s’en prend à l’un de nos biens les plus précieux (notre téléphone portable chéri par exemple) ? Quand on se retrouve confronté à la bestialité pure d’un animal sauvage en liberté ?

Malgré quelques longueurs sur la fin (une scène visuellement incroyable dans un container aurait pu clôturer le film à notre avis), les séquences dans lesquelles sont plongés les personnages, leur malaise qui devient notre malaise, valent plus qu’un détour. Les acteurs qui entourent Claes Bang, dont la magistrale Elizabeth Moss, pimentent les tableaux, comme autant de petites piqures de rappel de notre prétendue bienséance et de notre piètre supériorité. Dans un regard, une hésitation, un silence prolongé, la gêne s’installe. Et on se reconnaît. Et on rit. Quand les codes et l’étiquette sont remis en jeu par un singe ou un homme atteint du syndrome de La Tourette, on rit. Quand il faut redéfinir les règles et apprivoiser de nouvelles façons de se comporter, on rit.

On rit vraiment. Clin d’oeil spécial des JJ aux deux créatifs de la communication en doudounes assorties qui doivent être cousins avec quelques phénomènes semblables du coin. Et vous ? Vous vous reconnaissez ?

The Square
de Ruben Östlund
Sortie le 18 octobre 2017
Danemark, France, Allemagne, Suède 2017 – 142min.
Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West
Séances

Cet article vous a été concocté par le blog JJSphere :
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