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film rouge interview Farid Bentoumi réalisateur avec Zita Hanrot

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Film : Erin Brokovich vire au rouge

Un décor ouvrier, un contexte social et surtout un enjeu écologique et de santé publique majeur, c'est le cadre du film Rouge, au cinéma.

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Écologique, sans aucun doute, mais aussi social, politique et familial, le thriller de Farid Bentoumi voit “Rouge”. Interview du réalisateur et impressions.

Que ce soit pour dénoncer des scandales financiers ou de moeurs, les lanceuses et les lanceurs d’alerte sont les héros oubliés de notre temps. Oubliés parce que peu protégés, bien souvent contraints à des sacrifices qui n’honorent pas leur démarche, leur vie personnelle étant alors mise à mal, voire détruite. On n’a pas oublié Erin Brokovich, cette magnifique héroïne, aussi flamboyante qu’elle est commune. Incarnée au cinéma par Julia Roberts en son temps, Erin a le courage et la détermination des grandes de ce monde, justice et mini jupe chevillées au corps. Aujourd’hui, au cinéma, Farid Bentoumi, réalisateur, s’empare du sujet et en fait un film à suspens, Rouge, dont la protagoniste principale, banale infirmière, va dénoncer le scandale écologique et sanitaire qui empoisonne l’usine de son père. Avec toutes les difficultés, de loyauté notamment, que son acte implique, elle va devoir faire face à ses conséquences.

Un thriller qui voit l'écologie en rouge

Comment fermer les yeux quand des déchets toxiques colorent les sols et les eaux des zones de rejets de l’usine dans laquelle Nour (Zita Hanrot) vient d’être engagée en tant qu’infirmière ? Peut-elle nier l’existence de nombreux cas d’accidents et de maladies, récurrents et curieusement semblables, des employés de l’usine ? Arrivera-t-elle a faire face à son père, qui a consacré toute sa vie à cette entreprise qui le fait vivre ainsi que toute la région ?

Entre compromis politiques, profits et drame social, Farid Bentoumi raconte cette histoire dans tout ce qu’elle a de complexe. Les liens étroits qui lient un père et ses filles se voient remis en question lorsque le cas de conscience de Nour, son opinion, humaine et professionnelle, va se heurter à la réalité économique de ses proches. Rien n’est jamais tout rouge ou tout vert. Les syndicats et les politiques écologistes ont chacun leurs raisons, légitimes même, de ne pas dénoncer la toxicité des déchets de l’usine. C’est alors à Nour de le faire, avec l’aide d’une journaliste d’investigation, représentante dans le film de ces fiers enquêteurs qui travaillent à rendre le monde meilleur, plus juste, plus transparent.

Rouge

 

Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours.
Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.

Bataille syndicale sur fond de catastrophe écologique

Zita Hanrot et Sami Bouajila dans le film Rouge de Farid Bentoumi
Olivier Gourmet dans le film Rouge de Farid Bentoumi

En tenant le spectateur en haleine, le réalisateur et scénariste du film Rouge, Farid Bentoumi, parvient à faire éclore comme une envie de donner l’alerte. Aurait-on suffisamment de cran, de courage et de foi, risquant de tout perdre et de faire basculer sa vie, pour dire stop ? Zita Hanrot, tout en finesse et en simplicité incarne cette jeune femme au sens de la justice ancré dans les tripes. Elle fait face à un père charismatique, Sami Bouajila, enferré dans un quotidien plombé de compromis, dont le combat, rouge lui aussi, est de protéger son emploi et celui de ses collègues. Du rouge ouvrier contre du vert écologiste, le rouge de la terre polluée, le rouge de la colère, le rouge de la trahison. Le rouge de la justice ?

Le réalisateur Farid Bentoumi nous a fait l’honneur de nous parler de son film, de sa définition du Rouge et de l’héroïsme moderne, au féminin comme au masculin. Humain.

L'interview de Farid Bentoumi, réalisateur de "Rouge"

Farid Bentoumi interview réalisateur film Rouge

JJSphere : Farid Bentoumi, peut-on vous demander de vous présenter à votre manière ?

Farid Bentoumi : Bonjour ! Je m’appelle Farid Bentoumi. Je suis très heureux d’être en Suisse, un pays où je suis venu plusieurs fois pour jouer au théâtre, pour mettre-en-scène au théâtre à Locarno, la Chaux-de-Fond, Lausanne et Genève. C’est un pays que j’aime beaucoup. Je suis très heureux de venir présenter Rouge ici, après la sortie de Good Luck Algeria il y a 4 ans.

JJSphere : Est-ce important pour vous que le cinéma s’empare des problématiques écologiques, notamment pour créer du divertissement ?

Farid Bentoumi : Je pense que l’écologie, le dérèglement climatique qui nous touche de plein fouet – cette année on le voit, c’est de pire en pire – nous émeut, nous bouleverse, nous trouble. Nous trouble nous, en tant qu’humains, parce qu’on est en train de parler de la disparition de l’humanité. Je pense qu’il y a quelque chose de très profond en nous et c’est normal que le cinéma s’en empare. En tout cas, moi j’avais besoin de parler de ça.

C’est aussi des angoisses personnelles. J’avais besoin de parler de ce qu’on transmet à la génération d’après et comment la génération d’après va se battre pour sauver cette planète. Et ce n’est pas seulement l’écologie. Ça parle aussi du lien social, du boulot, de la santé au travail, de comment on s’engage dans la vie et dans notre travail. Nour, l’héroïne du film, est infirmière, elle s’engage pour les ouvriers, pour la santé des gens. On découvre que depuis un an et demi, les infirmières, les infirmiers, les médecins sauvent notre société. Sont indispensables au quotidien et ont été trop longtemps négligés.

Donc, je pense que ce sont des questions beaucoup plus larges qu’uniquement l’écologie. C’est nous, notre devenir d’être humain. J’essaie de faire des films dont je considère que le spectateur est intelligent et qu’à sa sortie, il va discuter, débattre avec les autres. Le cinéma est un art social, puisqu’on y va entre amis ou en couple. On en parle aux autres, il y a beaucoup de bouche à oreille. Oui, l’écologie fait partie de ces sujets qui sont dans toutes les bouches aujourd’hui. On en parle en permanence.

Sami Bouajila dans le film Rouge de Farid Bentoumi

JJSphere : Qu’aimeriez-vous qui traverse l’esprit des spectateurs après avoir vu votre film Rouge ?

Farid Bentoumi : J’aimerais bien que les gens qui quittent la salle ouvrent le débat, parce qu’il y a des oppositions qui aujourd’hui sont totalement aberrantes, Entre vaccinés, non-vaccinés, entre climato-sceptiques et les gens qui se rendent vraiment compte qu’il existe un dérèglement climatique. Et il y a encore des gens qui sont sceptiques sur certains bouleversements qui touchent notre planète et c’est assez fou.

Je ne crois pas que c’est en opposant les gens qu’on va s’en sortir. Ce n’est pas en opposant frontalement, dans le film, des écologistes avec les ouvriers d’une usine qu’on va trouver des solutions. Il faut se mettre à une table et trouver des solutions tous ensemble. Aujourd’hui, l’usine dont le film est inspiré qui est dans le sud de la France, dépend d’un député de circonscription écologiste qui se bat pour la survie de l’usine. Il dit que si on délocalise cette usine, ça sera pire ailleurs. Cette production qui est polluante dans le sud de la France va aller polluer en Malaisie ou en Guinée avec des normes bien moindres. Donc, il faut la garder ici et la rendre propre.

Voilà, c’est un autre point de vue que les syndicats prennent de plus en plus. Avant, les syndicats se battaient uniquement pour la survie des emplois, pour les salaires, pour que le tissu industriel survive. Maintenant, ils ont compris que la survie des emplois doit exister mais pas au prix de la santé des ouvriers. C’est-à-dire qu’il faut des emplois qui ne mettent pas en danger la santé des ouvriers ni l’écologie, ni l’environnement. Le débat commence à s’instaurer. Aussi dans les grandes écoles, par exemple, avec des ingénieurs agronomes qui sont aujourd’hui formés à d’autres choses que les pesticides et les engrais à tout va. Avec des gens qui sortent des écoles de commerce et qui ne veulent plus aller travailler chez Total ou des grosses boîtes qu’on sait polluantes.

Il y a une révolution qui commence à se mettre en marche, qui accélère. J’aimerais bien qu’à la sortie du film, les gens se posent des questions et se disent : « Moi, dans mon quotidien, qu’est-ce que je peux faire , dans mon métier qu’est-ce que je peux faire ? Ah, ben, peut-être qu’au lieu d’acheter un gros 4×4 comme j’avais prévu de le faire, je vais peut-être acheter une petite voiture ou réfléchir à faire du vélo. Tiens, mon oncle ou mon cousin ou mon frère bosse dans une usine, je vais peut-être lui poser des questions. Comment ça se passe dans ton usine, comment ils travaillent ? Tu as été malade ? Pourquoi tu ne me l’as pas dit… »

Le film parle aussi de secrets de famille, parce que c’est une usine qui cache la pollution mais aussi un père qui cache des choses à sa fille. Et petit-à-petit la fille est lanceuse d’alerte et aussi dans sa famille quelque part. Brasser des choses, faire discuter des gens, faire parler les gens, je pense que c’est la seule façon qu’on aura de s’en sortir.

JJSphere : Votre film s’appelle Rouge. Est-ce que l’usine qu’il met en scène est peut-être justement pas assez « rouge » pour s’être laissée engluer dans ce danger sanitaire sans avoir levé le poing ?

Farid Bentoumi : Rouge, c’est plusieurs choses. C’est la couleur de la pollution de l’usine, en effet, de ces poussières toxiques et de ces boues que rejette l’usine. C’est aussi la couleur de la colère, de la violence, la couleur du syndicalisme, des communistes qui ont été engagés longtemps avec des idéaux sur l’emploi, sur la place des ouvriers dans la société. Rouge, c’est tout ça en même temps.

Après, s’engager, se battre dans une usine, c’est compliqué, parce que, ce que raconte le film aussi, il y a un chantage à l’emploi qui est terrible. Le patronat fait énormément pression sur les ouvriers mais aussi sur les syndicats en disant que s’ils dénoncent tel accident du travail ou s’ils dénoncent la pollution que rejette l’usine, elle va devoir fermer et qu’ils vont tous perdre leur emploi. Ce chantage-là est très fort, à la fois contre les politiques qui décident ou pas de fermer une usine, contre les instances environnementales mais aussi contre les salariés de l’usine.

Donc c’est difficile d’être lanceur d’alerte, difficile de s’opposer aux autres ouvriers, au tissu social. Parce qu’une usine, souvent, est située dans de petites villes qui ne vivent que grâce à ça. Et si avec l’usine c’est 300, 400, 500 emplois qui disparaissent, c’est toute une ville qui disparaît. Il y a une pression sociale très forte pour ne pas lancer l’alerte.

Quand j’ai écrit le film, ce qui m’a pris à peu près deux ans, j’ai rencontré pas mal de lanceurs d’alerte et lu beaucoup de témoignages et souvent, c’est ça qui est difficile. De perdre à la fois son emploi, son statut social, ses amis, d’être black listé par certaines entreprises et puis d’être rejeté aussi par sa famille. Parce que quand on est le conjoint ou la conjointe d’un lanceur d’alerte, on va demander pourquoi. « Pourquoi tu as foutu notre vie en l’air ? Pour dénoncer la pollution dans une usine ? Mais regarde : on n’a plus d’argent, notre famille explose…» C’est très difficile comme statut.

Zita Hanrot et Sami Bouajila dans le film Rouge de Farid Bentoumi

JJSphere : Est-ce que le personnage de la journaliste qui encourage Nour à donner l’alerte sert justement à alléger un peu son dilemme face à sa famille et ses collègues ?

Farid Bentoumi : Je ne sais pas si c’est pour alléger. C’est plus pour dire que tout seul on ne peut pas s’en sortir. Un lanceur d’alerte tout seul ne s’en sort pas. Il faut des aides, des soutiens, travailler ensemble. Tout seul c’est trop compliqué. C’est aussi pour dire aux lanceurs d’alerte potentiels, ceux qui voient le film et qui se disent que dans leur boîte il se passe des choses similaires – un ingénieur chez Volkswagen par exemple qui aurait pu dénoncer leur fraude sur les émissions de CO2 qui aurait pu devenir lanceur d’alerte – qu’ils peuvent avoir de l’aide, soit d’un journaliste, soit d’un collègue…

Il y a aussi un nouveau journalisme qui se met en place. De nouveaux journaux avec des enquêtes plus fouillées. Un journalisme qui se veut plus indépendant aussi, de la publicité ou des grands groupes. Je crois qu’il y a une nouvelle génération de journalistes et je crois vraiment au cinquième pouvoir, ils peuvent faire bouger les choses. On l’a vu avec les Panama Papers, avec la façon dont plusieurs journaux européens se relaient pour sortir de grosses affaires. C’est hyper important.

JJSphere : En plus des thèmes sociaux et sociétaux soulevés, c’est un film d’héroïne. Comment avez-vous eu le déclic pour votre héroïne, Zita Hanrot qui interprète Nour, l’infirmière lanceuse d’alerte ?

Farid Bentoumi : Au début, le film était écrit pour un garçon. C’est ça qui est assez drôle. Et petit-à-petit j’ai pensé à Zita que j’avais vue dans Fatima, comme tout le monde. Je la trouvais à la fois très instinctive, très dynamique, incarnant totalement le rôle, J’avais totalement oublié la comédienne pour ne voir que le rôle et c’est ce qui m’intéresse. Je trouvais qu’il y avait une filiation assez naturelle avec Sami Bouajila qui, lui aussi, dès qu’il sourit, est très lumineux, solaire et qui est en même temps très ancré dans son rôle, Il travaille vraiment les rôles en profondeur. Du coup, je trouvais que ça faisait une fille parfaite pour Sami Bouajila et ça m’intéressait de travailler avec ce couple.

Et puis, dans mes films précédents, long et courts, j’avais déjà travaillé sur la relation père-fils. J’aimais cette idée d’héroïne moderne, qui n’est pas sur-féminisée, dans le film. Je ne fais pas un film de revendication féministe, en disant que c’est une femme qui lance l’alerte, que c’est une femme qui sauve les ouvriers… Non, pas du tout. Ça aurait pu être un homme, ce rôle-là. Ça en est d’autant plus fort d’ailleurs. C’est un être humain qui se bat.

Il se trouve que Zita apporte toute cette féminité au rôle et c’est beau de la voir s’opposer à son père, à son beau-frère, à son patron, à un milieu, c’est vrai, qui est un milieu d’hommes. C’est très beau, mais c’est un être humain qui se rebelle. Comme Antigone. Il y a plein de références à la tragédie. Zita me parlait beaucoup de Hamlet, aussi. Il y a un truc de révolte, quand ça n’est plus possible, quelque chose sort et c’est ce qui me surprend beaucoup dans la personnalité des lanceurs d’alerte.

À un moment, ils disent non et ne savent même pas pourquoi ils ont dit non. Alors, ils sont dépassés par ce qu’ils ont déclenché. Dans le film, elle est totalement dépassée par ce qu’elle a déclenché, elle fout en l’air tout son monde, sa famille, sa relation, tout l’amour – parce que c’est une famille où il y a beaucoup d’amour – pour lancer l’alerte. Elle voudrait revenir en arrière amis c’est trop tard. Pour moi, ce sont des héros modernes. Zita, dans le film, est une héroïne moderne.

JJSphere : Justement, quelles sont vos héroïnes modernes ?

Farid Bentoumi : (Rires). Je ne sais pas si ce sont des héros ou des héroïnes. J’ai du mal à faire une différence entre homme et femme. J’ai un fils et une fille que j’élève de la même façon. Les différences sont là, elles existent dans nos corps, dans nos vies, dans nos façons d’appréhender les choses. Mais des héroïnes modernes… Je ne sais pas, il y en a plein. Michelle Obama est une héroïne moderne. Kamala Harris est une héroïne moderne. Je parle des États-Unis, mais en France aussi il y en a plein…

Je n’aurais pas cité de nom… C’est une question piège ! Il faudrait que je trouve des exemples plus proches de nous !

J’avais lu une interview du couple turc qui a fondé cette entreprise qui a découvert le vaccin contre la COVID-19, Pfizer Bio N’Tech. Et elle, c’est une chercheuse avant tout, c’est-à-dire que c’est une héroïne moderne pour moi, et à aucun moment elle ne va parler de sa place de femme. Elle parle de sa recherche, de sa volonté de soigner les gens, de comment elle a monté sa boîte avec son mari. Ils forment un couple moderne et je trouve ça très beau, dans leur façon d’agir, de bosser. Après, ils sont devenus milliardaires, tant mieux pour eux, et ils ont cette volonté d’inventer, de trouver, avec beaucoup de modestie d’ailleurs.

Je trouve que les héros modernes souvent sont des gens modestes. C’est souvent des gens qu’on ne voit pas. Des gens qui sont cachés. Comme cette femme, lanceuse d’alerte à Crédit Suisse qui a dénoncé je ne sais pas combien de Français qui ont fait de l’évasion fiscale en Suisse, ce qui a permis à l’État français de récupérer des centaines de millions d’euros, et elle n’a plus jamais trouvé de boulot. Elle s’est retrouvée au chômage du jour au lendemain, perdu son appartement, c’est un destin tragique.

Pour moi c’est une héroïne moderne. Malheureusement elle a été condamnée parce que le secret des affaires est plus fort que d’œuvrer pour le bien de la société. Ce qui est très triste. Les lanceurs d’alerte sont très peu protégés aujourd’hui. Je pense que les héros modernes, souvent, on n’en entend pas parler.

Céline Sallette dans le film Rouge de Farid Bentoumi

JJSphere : Sur le couple père-fille, petite parenthèse, nous vous remercions d’avoir choisi Sami Bouajila, acteur charismatique, bancable, pour jouer le père de Zita Hanrot. Dans d’autres films, ça aurait été son compagnon. Dans Rouge, le rapport de générations est juste.

Farid Bentoumi : J’essaie de faire des films très inspirés de la réalité. J’ai fais relire mon scénario par un journaliste, un délégué syndical, une infirmière du travail, pour que les rôles soient vraiment ancrés dans une réalité. Moi-même, je n’aurais pas réussi à faire un couple avec 25 ans d’écart. C’est important pour moi que quand les comédiens arrivent pour incarner leur rôle, ils aient une réalité qui soit très solide.

D’ailleurs, Céline Sallette m’a appelé trois mois avant le tournage pour me dire qu’elle était enceinte, si je voulais changer de comédienne. Ben non ! Je ne change pas de comédienne ! Je réécris le rôle ! C’est alors un rôle de journaliste enceinte, qui se sépare de son mec alors qu’au départ elle était avec lui. J’ai changé pas mal de choses, même dans sa façon d’appréhender les choses. Normalement elle allait dans l’usine aussi, mais là elle n’y va plus… J’ai adapté le rôle au fait qu’elle soit enceinte et j’ai trouvé très intéressant de montrer que oui, il y a des femmes enceintes de 7-8-mois qui continuent à travailler.

JJSphere : Est-ce que vous êtes militant dans votre vie de tous les jours ?

Farid Bentoumi : J’essaie d’être juste, en tout cas, c’est ma seule forme de militantisme. J’ai beaucoup de mal avec l’injustice, même au quotidien. Mais j’ai fait ce film parce que justement je me posais des questions sur mon engagement. Est-ce que je m’engage assez ? Être réalisateur, est-ce que c’est s’engager ? Mes parents étaient au Mouvement de la Paix, luttaient contre l’Apartheid, ils étaient à la CGT, au Parti Communiste, à des manifestations tout le temps. J’ai fait toute mon enfance à des manifestations. Je suis arrivé à 40 ans, à m’être embourgeoisé – un tout petit peu, parce que réalisateur, ce n’est pas non plus un métier où on gagne des millions.

Oui, je me suis posé des questions. On est dans une société qui est beaucoup moins engagée, qui a perdu des idéaux. La religion offrait des idéaux, le Parti Communiste aussi. Il y avait une vision de la société qu’on a perdue. Je crois qu’aujourd’hui on est dans une société très individualiste et j’ai l’impression que face au dérèglement climatique et à toutes les épreuves contre lesquelles on va devoir lutter, on doit refaire société.

Avec cette épidémie, depuis un an et demi, j’ai le sentiment que ça nous force à refaire société. Je crois que s’il y a un engagement à avoir, c’est celui-là. Je fais des films où personne n’a raison, où chacun a ses raisons. On doit essayer de comprendre le point de vue des autres. Déjà, si on arrive à faire ça, c’est énorme. Un pas vers une meilleure société.

BONUS : Le JJQuiz en vidéo de Farid Bentoumi

Film Rouge de Farid Bentoumi affiche avec Zita Hanrot

Rouge

Un film de Farid Bentoumi avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette…

En salle dès le 11 août 2021

©AdVitam / Les Films Velvet / Les Films du Fleuve

Photo de Une : ©ChristianBuffa au Festival ArteMare

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