C’est la troisième année que nous suivons les effrayantes journées d’Elizabeth Moss dans la série Handmaid’s Tale, La Servante écarlate en français. Mais de quoi s’agit-il ?
Le bébé, l’enfantement, perpétuer la race humaine est un don du Seigneur. Lequel ? On ne saurait le dire. Ni Dieu, ni Diable. Béni soit le fruit que la femme porte en son sein que le Seigneur ouvre à l’élu, au bénéficiaire de sa miséricorde. Les autres, tant pis. Les autres le servent. Les autres se taisent. Les autres baissent les yeux. You don’t own me. Que tu crois ! Les autres offrent leur corps et leur esprit, les autres sont à vendre. Les autres sont les femmes. L’oeil surveille.
Une série visionnaire ?
Au moment où de nombreuses interrogations, d’impudiques questions et d’inénarrables scandales éclatent de part et d’autre, dans les milieux les plus en vue pour finalement dénoncer une situation générale et séculaire de la femme, le livre que Margaret Atwood a écrit en 1985 (!) adapté pour les petits écrans vient ébranler les esprits. C’est à se demander si la situation exposée dans La Servante écarlate est plausible, voire, à venir. Nooooon. Sûrement pas ! Et pourtant.
D’obscures hypothèses se sont réalisées ces dernières années et il suffit parfois d’un grain de sable dans les rouages pour que tout s’enchaîne, se déchaine. Une communauté au sein de laquelle les femmes ne sont que des servantes, sorte de secte où le rouge ne se mélange pas avec le vert, où les savants sont condamnés à mort (ou tout comme), où les livres sont brûlés, où le libre arbitre n’est plus, même pour ceux qui pensent encore le détenir. Tiens. Comme un écho, nos livres d’Histoire crient, quelques derniers témoins survivants frissonnent.
The Handmaid’s Tale, le commencement
Elisabeth Moss incarne une jeune femme de son temps qui ne va pas se réveiller assez tôt, dans la glissade vertigineuse, le virage insignifiant au départ mais irréversible que son pays va prendre. Elle perd son travail, comme toutes ses collègues féminines, subit l’impuissance ou la lâcheté de ceux qui la côtoient et va finir par s’enfuir, trop tard.
Séparée de son mari et de sa fille, elle se réveille dans une sorte de camp, de secte, de prison. Sous la surveillance de patronnes toutes de brun vêtues, elle devra s’endoctriner pour survivre. Il est d’ailleurs question de survie. Les générations précédentes ayant fait leur oeuvre, la majorité des humains est désormais stérile. Ne restent que quelques utérus viables dont vont s’emparer les puissants pour enfanter. Les bébés à naître sont écarlates. La colère sourde et muette des femmes aussi.
Moyen-âgeuse ou futuriste ?
Dans une trivialité teintée de codes et de codicilles, d’uniformes aux couleurs distinctives, ce qui semble être si rétrograde, hors de toutes règles de civilisation fait pourtant trembler nos échines. Et s’il s’agissait effectivement d’avenir ? Une balade sous les corps pendus des contrevenants, abattus par des Men in black bien loin de Gettin’ Jiggy wit it. Le lit qui grince les soirs de cérémonie, mise en scène d’un paralysant trio qui fait rimer enfantement avec cauchemar (ne cherchez pas, ça rime !). Les yeux qui se ferment à jamais sur les destins brisés de celles qui pourraient être nos filles. Un nouveau dogme qui efface les anciens rites et fait disparaître jusqu’au nom de celles qui ne s’appartiennent plus. Elle était June, elle est ÀFred, puis sera peut-être ensuite ÀJacques.
Se battre sans ne jamais rien céder
La déviance de l’obscurantisme aura-t-elle encore de beaux jours devant elle ? Le poing haut levé de certaines courageuses figures aujourd’hui deviendra-t-il contagieux, plus que le déni et le patriarcat éculé ? Combien devrons-nous être, dans combien de temps grondera, tonnera la colère rouge, la tempête écarlate ? Quand est-ce que la voix du nous s’entendra plus fort, plus haut, que la voix du eux ?
Si vous ne connaissez pas encore cette série lourde, effroyable, glaçante, lancez-vous à corps perdu. En séances mixtes d’0ailleurs, la série ouvre des conversations tout à fait intéressantes entre Dames et Messieurs. Aussi effrayante que réussie, la série démarre sa troisième saison pour notre plus grand plaisir… elle convainc, si ce n’est déjà fait, femmes et hommes, qu’il faut se dépêcher de dire non.
THE HANDMAID’S TALE
À voir en VOD
De Bruce Miller avec Elisabeth Moss, Joseph Fiennes