Concours de lancer de téléphones portables, football en marais ou sur poudreuse, porté d’épouses, les cerveaux humains sont féconds. Ailleurs, il peut aussi y avoir le hockey subaquatique. Ça ne vous rappelle pas les livres qui s’accumulaient, année après année, sur les étagères de la bibliothèque du cousin Jeannot (oui, il aime beaucoup les carottes) ? Des exploits qui s’entassent et deviennent de plus en plus absurdes à force que le temps passe. Une organisation olympique, des centaines de concurrents du monde entier, pour un événement en grandes pompes qui s’apparente à une lecture du Guinness Book des Records.
Car, qui est le plus valeureux, le plus méritant entre celui qui reste le plus longtemps dans un sauna à 110° ou celui qui se balance sur un pied pendant 76 heures sans s’arrêter ? Joseph Incardona dans son roman Chaleur, meilleur polar romand 2017, s’inspire d’un fait divers, d’un fait d’hiver, en Finlande, quand tout le monde se couvre et que des hurluberlus clamés vont se faire bouillir l’épiderme pour la gloire. Ah, les humains…
En moins de 200 pages, s’inscrivent les derniers jours d’Igor, Russe, sous-marinier. Second depuis plusieurs années au Championnat du Monde de Sauna. Sur la première place, il y a Niko, son rival, grand, beau, une star. Une star du hot. Que ce soit sur un banc de bois, dans une cahute, scruté par un public avide de le voir flancher ou dans sa chambre d’hôtel, entre les draps avec sa jeune amante, Niko donne chaud. Il use de sa queue comme d’autres usent de leur charme, et il résiste à la chaleur. Y arrivera-t-il cette année encore ? Trop vieux ? Trop plein d’alcool et de cocaïne ? Et puis toujours à ses basques ce Russe trapu, cette carapace de rigueur, ce concurrent d’un jour, ce challenger en slip venu braver la vapeur et ses degrés brûlants. Qui va remporter le championnat ? Qui va survivre ? Huis clos hôtelier suffocant. Exaltant.
Il n’y a qu’une Josette qui pourrait supporter de glisser un doigt de pied dans le sauna de Sieur Igor. Encore faudrait-il arriver à la traîner jusqu’en Finlande… car ce ne sont pas les brefs instants passés à l’abri des planches, où la température est clémente (bouillante), qui la convaincront de monter vers des latitudes si nordiques. Il ne nous reste plus qu’à organiser des Championnats absurdes ici. Voilà. Tiens, on pourrait inventer un jeu où on jetterait un gros galet et ensuite on prendrait des balais pour frotter le sol… Ben quoi. Ça existe déjà ?
Chaleur
de Joseph Incardona, Éditions Finitude
Prix du Polar romand 2017
