Séduire le tout Hollywood sur le sort des arbres des grandes forêts, poumons verts en danger, c’est le défi fou que se lance Luc Marescot. Il en fait un documentaire hors norme, intelligent et drôle. Une leçon de cinéma avec des interlocuteurs de choix, une leçon de ténacité optimiste, sur les traces de Leo Di Caprio.
L’histoire démarre par une rencontre, il y a 20 ans, sur le toit des arbres. Celle de Luc Marescot et de Francis Hallé. Francis est botaniste. Plus qu’un scientifique, plus qu’un artiste, ce personnage atypique est un puit de connaissance et de poésie qui ne tarit pas d’éloges sur l’émerveillement que lui procurent, chaque jour, les merveilles des grandes forêts tropicales. Ses feuilles, ses fleurs, ses lianes, ses pièges, son évolution lente et constante, ses collaborations, son ingéniosité.
De ses observations contemplatives perché sur son radeau des cimes, ce Don Quichotte de l’océan vert en fait des conférences, partout dans le monde, pour sensibiliser les humains à la beauté. La beauté de la nature, la beauté des forêts, la beauté des arbres. Et la canopée. Cet espace au-dessus des cimes qu’on ne voit jamais et qui pourtant recèle tout ce que la planète a fait de plus beau.
Luc Marescot en interview vidéo
Luc Marescot a parcouru la planète de long en large, a observé ses coins les plus reculés et les plus sauvages. 22 ans aux côtés de Nicolas Hulot pour Ushuaïa Nature, des expéditions avec Jean-Louis Étienne, Théodore Monod, Haroun Tazieff ou Jean Jouzel, la réalisation de plus de 80 documentaires de terrain, dont plusieurs primés, tel Frères des Arbres qui présentait un chef Papou aux citadins.
Capable d’attendre des heures sur le sentier des éléphant qu’un spécimen majestueux pointe le bout de sa trompe, l’impatience finit par le gagner. Pris d’un irrépressible et urgent besoin de soutenir et de propager le message de Francis Hallé pour la protection des forêts tropicales, Luc Marescot doit absolument agir. Il est alors inconcevable pour cet amoureux de la vie de continuer à regarder ailleurs pendant que les arbres tombent. Mais, comment faire pour sensibiliser le plus grand nombre ? Comment faire voler des milliers, des millions de personnes, sur la canopée pour leur donner envie de la défendre, de la préserver, de la sauver ?
Poumon Vert et Tapis Rouge
Pour aider Francis Hallé dans son combat pour sauvegarder les dernières forêts tropicales, un documentariste passionné de nature décide de réaliser son premier film de cinéma : The Botanist, un thriller écologique avec Leonardo DiCaprio. Il trace son chemin avec malice, obstination, et découvre, avec candeur, les arcanes du septième art. Même s’il ne lâche jamais rien, son film existera-t-il un jour ?
Un thriller documentaire pour sauvegarder le poumon vert de la planète, du cinéma pour les forêts
Fort de l’exemple de Blood Diamond, le film de Edward Zwick qui a fait chuter la vente de diamants « de la guerre », Luc Marescot se dit qu’un film de fiction, grand public, serait le meilleur ambassadeur pour les forêts. Mais comment faire ? Il y a 7 ans, une idée germe dans son esprit : écrire le scénario d’un film qui mettrait en scène cet homme fantastique qu’est Francis Hallé. Il s’appellerait Le Botaniste et surtout, aurait Leonardo Di Caprio en tête d’affiche. Le pari est osé. Surtout quand on est issu du reportage, du documentaire, du terrain, et qu’on n’a jamais mis un pied dans la jungle du marché du cinéma.
L’aventure commence là. Et elle se poursuit à la force de la volonté et de l’esprit positif et téméraire de Luc Marescot. Il faut viser les étoiles et se contenter… des étoiles. Pas moins. Témoin de sa propre quête, Luc se filme avec son téléphone portable dans toutes ses démarches. Rempli d’espoirs et d’auto dérision, il ne perd jamais son objectif de vue : les forêts, les arbres.
Une leçon de vie et d'humilité
Pendant qu’il apprend à écrire un scénario, des hectares sont massacrés. Alors qu’il s’initie à la direction d’acteurs aux cours Florent, une famille d’orang-outang meurt. Son voyage à Los Angeles pour découvrir où Leonardo Di Caprio boit sa tisane lui coûte son bilan carbone pour les 10 prochaines années. Mais il ne lâchera pas. Il rencontre plus de 50 professionnels du cinéma afin d’en appréhender les codes, les us, les coutumes et les techniques. Des heures et des heures d’entretiens filmés dont il ne gardera que quelques minutes pour le film qu’il nous présente ici.
Loin d’un documentaire traditionnel, Luc Marescot crée dans ce petit bijou d’inventivité, de drôlerie, d’espoir, d’audace et de persévérance, une véritable tension dramatique. Son thriller, il est déjà là. Par la parole de grandes personnalités, mais surtout par son cheminement, sa soif d’apprendre, son urgence à apporter une aide substantielle au poumon vert terrestre. Et à côté de lui, pile électrique insatiable dans son cabanon de la forêt de Brocéliande, il y a le sage, calme, passionné et passionnant, Francis Hallé.
Ce qui les rejoint, c’est cette passion. Un amour du vivant qui ne les place jamais dans le jugement de l’autre, de ceux qui ne feraient pas juste ou pas assez, mais plutôt dans la pédagogie, dans une attitude optimiste de foi en l’humain et en sa capacité à se battre pour ce qui est juste. Gageons qu’ils aient raison.
Conversation avec Luc Marescot, réalisateur de "Poumon Vert et Tapis Rouge"
Votre énergie, votre ambition et votre ténacité nous a beaucoup touchés. Et puis, pour une fois, ce n’est pas un film moralisateur sur la cause écologique, il n’y a aucun jugement sur la manière de vivre des gens. Ce message positif est extrêmement rare.
Luc Marescot : Avant même le film Demain, que j’avais trouvé extraordinaire, il y a longtemps que je me dis que le temps des constats est terminé. Il faut maintenant montrer la voie de l’espoir. Parce que la liste des mauvaises nouvelles sur la forêt est immense, mais la liste des bonnes nouvelles pour la forêt existe quand même. Alors on a deux choix. Soit on parle de la liste des mauvaises nouvelles, et du coup, on enterre les gens qui vont avoir envie de se détourner du problème parce que c’est anxiogène. Ou alors, on leur parle de la liste des bonnes nouvelles, même si elle ne compense pas encore l’autre liste, et ça crée un élan, ça donne envie de participer.
Moi, je n’avais pas envie d’un Xième film anxiogène. J’avais quand même envie de parler du souci, mais d’en parler au travers de ce personnage qu’est Francis Hallé, que j’adore, et tourner ça de manière plus positive. Faire un film un peu « Cheval de Troie ». C’est une itinérance dans le monde du cinéma et hop ! je vous glisse la présentation de Francis Hallé et les forêts.
“Ce petit film est déjà une victoire”
Parce que pour moi, Francis Hallé devrait être aussi connu pour les forêts que Cousteau pour les océans. On a deux écosystèmes qui nous donnent de l’oxygène pour faire vivre l’humanité, ce sont les océans et les forêts. On a Cousteau qui est très connu à l’international et Francis Hallé, qui est une sommité, aussi fort avec ses forêts que Cousteau ne l’était avec la mer, et il n’est pas connu parce qu’il est trop plein d’humilité, il se cache derrière ses arbres.
Alors, dans les projections (du film Poumon Vert & Tapis Rouge en avant-première), on me dit : « Pourquoi vous ne faites pas un film sur Francis Hallé ? Il a l’air génial ce bonhomme-là ! » Et je réponds que j’en ai juste déjà fait deux ! Mais ils passent à 23h sur ARTE et il n’y a que les gens qui le connaissent qui vont les regarder.
Ma démarche est de faire ce « Cheval de Troie » et, dans toutes les avant-premières où je pose la question, il n’y a jamais plus d’un quart de la salle qui connaît Francis Hallé. Du coup, ce petit film est déjà une victoire, parce qu’il fait découvrir ce botaniste à plus de gens. Je ne sais pas si je peux contribuer en partie à sa notoriété – et il serait connu sur le tard, comme ce qui est arrivé à Théodore Monod qui est le grand arpenteur des déserts – c’est ma croisade.
Mettre la lumière sur Francis Hallé, c’est fantastique, mais il n’est plus tout jeune… Et on le dit avec beaucoup de respect. Alors y a-t-il des jeunes qui suivent ces savants, qui marchent dans leurs pas ?
Luc Marescot : Il y a plein de botanistes super compétents mais je ne vois pas poindre un botaniste, jeune, qui prendrait le relai et qui défoncerait tout. Comme souvent, il faut « les créer » ces personnages. En tout cas, les pousser pour qu’ils existent. Je prends l’exemple d’un de mes films précédents qui s’appelle Frères des arbres, que j’ai co-réalisé avec un copain. Il met en scène un chef Papou qu’on a filmé en Papouasie Nouvelle Guinée, à New-York, Paris et ainsi de suite… Et ce chef Papou a découvert le monde. Il a découvert pourquoi on coupait les arbres chez lui, ce que ça devenait, du parquet ou autre chose, et on en a fait un film qui a vraiment super bien marché.
On a gagné des prix à New-York, aux Nations Unies, le Global Voices et ça a créé un impact. Aujourd’hui, la Papouasie, qui était le pays avec le plus fort taux de déforestation, a abrogé des lois et est redescendu dans le classement. Ça se passe beaucoup mieux là-bas. En partie grâce à ce film qui a fait monter la notoriété de ce chef Papou.
“Il faudrait trouver un nouveau Cousteau”
Il faudrait qu’on arrive à trouver un botaniste qui monte en puissance, comme il faudrait trouver un nouveau Cousteau pour qu’il y ait des personnes emblématiques, à l’instar de Raoni qui se bat pour la forêt amazonienne, mais qui va mourir dans pas longtemps aussi. On a besoin de relais. Et c’est un peu à nous, les médias ou les documentaristes, de les mettre en place, ces personnages-là.
Parce qu’on a beaucoup de personnages intermédiaires qui font du super boulot, comme Marion Cotillard ou Greta ou Cyril Dion, et c’est tant mieux. Mais ce sont des passeurs. Ce ne sont pas LE botaniste génial de la forêt ou le biologiste marin génial de l’océan. Il faudrait que ces personnages existent donc il faut les trouver, c’est notre job (rires).
Ce n’est pas une mince affaire…
Luc Marescot : Ce film prend une vraie direction différente de tous les documentaires classiques que j’ai faits. Je l’assume. Même si ça a été très difficile. Parce que je suis resté 30 ans dans l’ombre derrière la caméra alors j’ai d’abord cherché un personnage. Un mec qui soit fan de Francis Hallé, qui se batte pour ça, etc. Je n’ai trouvé personne. Donc, ça s’est un peu imposé à moi que je devais être ce personnage. J’ai fait une recherche de protagoniste comme je fais pour tous mes films et puis tout d’un coup, je me suis dit : Merde, c’est moi ! C’était pas évident. Il allait falloir se filmer !
Au départ, je filmais mes réactions dans la rue. N’étant pas comédien, je voulais que ce soit le plus authentique possible. Donc, j’étais dans la rue et dès que quelqu’un sortait d’un immeuble, hop, je planquais ma caméra. Je n’osais pas, quoi (rires) !
“C’est quoi ce truc égocentré ?”
Au bout d’un mois ou deux j’étais plus à l’aise avec ça, donc je souriais aux gens. Mais quand je me suis retrouvé en salle de montage ! Que j’ai vu tous ces rushes avec moi ! C’était infernal ! Heureusement que j’ai des bons copains monteurs qui m’ont aidé et qui m’ont dit : « Sors de la salle ! ». Parce qu’à un moment, je voulais tout arrêter. Je me suis dit, c’est quoi ce truc égocentré ? Passer par moi pour parler des forêts ? C’est nul ! Or, faire un doc sur Francis ? J’en avais déjà fait !
Il y avait Il était une forêt, par Luc Jaquet, le réalisateur de La Marche de l’empereur –que je connais bien, que j’ai croisé sur plein de terrains, on faisait le même métier. Dans le film, Francis est présent, mais il ne parle jamais. La voix off, ce n’est pas la sienne non plus. Donc on aurait pu prendre n’importe quelle personne, mon Francis Hallé n’existait pas. Il fallait que je fasse mon truc à moi pour le faire exister à ma façon.
Comment réagit le public face à ce personnage de botaniste quand vous présentez le film, Luc Marescot ?
Luc Marescot : J’ai eu plein d’échos de jeunes. Moi je pensais que c’était un film pour les adultes et plus. Je me disais qu’il y avait Claude Lelouch, Jacques Perrin, Francis Hallé, que des gens qui ont la carte Vermeil ! Je pensais que ça n’allait pas fonctionner pour les jeunes.
Mais énormément de jeunes viennent me voir et qui, sans oublier non plus le message pour les forêts, me disent : « Vous nous donnez la patate ! Parce que, dans ce monde qui est quand même un peu anxiogène pour nous, on baisse les bras souvent pour nos projets en se disant que ça va être dur. Et de vous voir vous agiter comme ça sans arrêt, ça nous file la niaque ! » C’est presque le plus beau des compliments que j’ai eus, en fait. Parce que ce sont les jeunes qu’il faut toucher. Ils vont faire la société de demain. C’était très encourageant.
Et c’est un thriller que vous avez réalisé ! Il y a un suspense ! On est sûr d’avoir Di Caprio !
Luc Marescot : Mais je ne suis pas très loin… J’ai une amie qui a bossé de façon proche avec l’assistante personnelle de Di Caprio. J’ai un copain, un américain, qui a passé toute son enfance avec la famille de Jonah Hill, pote de Di Caprio depuis l’adolescence… Donc, je ne suis pas loin. Mais cette dernière marche est difficile à franchir.
Nicolas Hulot m’a confié que quand il était Ministre de l’Environnement, il avait essayé de faire une opération avec lui. Même avec toute la Diplomatie française avec lui il n’a pas eu de réponse. C’est un mec trop sollicité. Il va réagir à des trucs parce qu’il a un copain qui boit un café avec lui, qui va lui raconter ci ou ça, voilà. Répondre aux sollicitations, c’est juste impossible.
Il y a eu d’autres rebondissements depuis la fin du montage de Poumon Vert & Tapis Rouge ?
Luc Marescot : Oui, il y a quelque chose que j’aurais aimé ajouter au générique de fin mais qui est arrivé après la conclusion du film. Le distributeur et le producteur n’avaient plus un sou dans l’enveloppe – et moi non plus ! Parce que j’ai beaucoup investi dans ce film-là, c’est un projet perso que je menais en parallèle. Par les rebonds de la vie, le scénario du Botaniste a été lu par deux éditeurs, qui l’ont adoré tous les deux – ils se sont un peu bagarrés pour faire une novellisation. On doit encore la corriger et elle sortira en bouquin chez Fayard fin 2021 début 2022.
J’aurais aimé le mettre à la fin du documentaire, comme un carton, parce que c’est quand même le premier aboutissement d’une quête. Et le fait qu’un bouquin existe, ça augmente considérablement les chances d’une adaptation cinématographique.
Aujourd’hui, les producteurs me disent que pour trouver un bon scénario, il faut en lire 15. Alors que dans leur entourage, il a plein de gens qui lisent des bouquins. Il y a toujours un copain, ou quelqu’un qu’ils connaissent, qui vient leur poser un livre sur la table en leur disant qu’ils devraient le lire, que ça ferait un bon film. Cette étape du bouquin, pour moi, est déterminante.
Avec tous les gens que vous avez rencontrés, est-ce que finalement, concrètement, les conseils que vous avez récoltés vous ont été utiles ?
Luc Marescot : Il y a beaucoup de conseils qui m’ont été utiles, mais qui ne sont pas forcément dans le film. Parce que dans le film, je prends des extraits de deux minutes, j’ai une histoire à construire. Alors que la plupart de mes interlocuteurs m’ont promis une demie heure et qu’à chaque fois je suis resté une heure et demie, deux heures. Donc, j’ai beaucoup de conseils, j’ai 80h de bandes que je vais réécouter.
En fait, il y a deux choses. D’abord, ça me fait un petit réseau. Et puis deuxièmement, j’ai beaucoup de conseils pour faire, moi, mon film. Parce que, dans la vraie vie, je ne suis pas aussi naïf que dans le documentaire (rires). Il y a longtemps que j’ai compris que le film à 40 millions d’euros, il serait pour un réalisateur confirmé, avec un acteur confirmé et ainsi de suite. Donc, je vais pousser pour que le film existe, mais mon ego, je m’en fous. Tant mieux si c’est un réalisateur connu qui le fait.
“Je vais faire mon prequel.”
Par contre, ayant compris tout ça relativement tôt, j’ai écrit les trois dernières années un prequel du Botaniste. Et là, l’unité de lieu, c’est la cabane dans les arbres qu’on voit au début du générique en dessin. Une seule unité de lieu. Et puis trois comédiens : le grand-père, la fille et la petite fille. Il y a une petite intrigue qui les rassemble ici, un souci de famille, la maman est décédée et il y a eu des conflits. Et le grand-père raconte la forêt à sa petite fille comme Francis nous raconte la forêt. Ça c’est estimé à 1,5 million d’euros, ce qui est plus raisonnable. Je peux les trouver. Donc, je vais faire mon prequel.
Et la suite ? Quel est la prochaine démarche de Luc Marescot pour ce grand projet ?
Luc Marescot : Il y a aussi un truc qui va se passer… Tous ces gens m’ont reçu par le rebond des uns et des autres : Je connais Nicolas (Hulot) qui appelle untel. Claude Lelouch, je l’atteins via Pierre-William Glenn que je rencontre via un copain breton qui est devenu prof d’audiovisuel… Bref, c’est que des rebonds. À chaque fois, quand j’arrive, ils me disent : « Rappelez-moi… de quoi il s’agit… » J’avais beau avoir tout expliqué au bureau, aux assistants, etc., ils me demandaient de re-situer. Donc, je n’allais pas passer la demie heure, qu’a priori ils me donnent, à tout raconter. Je résume énormément. Finalement, ils répondent à mes questions sans trop savoir à quoi ça va me servir.
“Je lance des hameçons et puis on voit si ça mord !”
Je ne pense pas qu’ils aient conscience de ma quête. J’espère qu’avec la sortie du film documentaire Poumon Vert et Tapis Rouge, là maintenant, ils en entendront parler. Peut-être venant d’un de leurs proches qui aura vu le film et dira : « Il est dingue ce mec-là ! L’énergie qu’il met pour arriver à ses fins… » Là, peut-être qu’il y en aura quelques-uns qui vont le regarder. S’il y en a 2 ou 3 seulement, même un, qui m’appelle et me dit : « Tiens, je vais t’aider un peu, je vais te donner 2-3 tuyaux, le contact d’un producteur… ». Je compte là-dessus, aussi (rires). Je lance des hameçons et puis on voit si ça mord !
Est-ce que vous avez imaginé en faire une série, du Botaniste ?
Luc Marescot : Oui, pourquoi pas une série. Parce que le sujet est vaste, la preuve, je vous parle du prequel… C’est possible. Mais ça doit attendre l’étape des producteurs. On m’a aussi parlé de BD et de film d’animation. Il y a plein de pistes qui s’ouvrent. C’est ce que je dis aux jeunes : « Vous vous fixez un objectif, un rêve, qu’il faut suivre. Peut-être qu’il ne va pas être atteint. Mais sur le chemin il va se passer tellement de choses… »
C’est vrai que je n’avais pas trop dans l’idée, la série, parce qu’à part Game of Thrones que j’ai regardé parce que mon fiston adore ça et que ça me faisait passer du temps avec lui. Il arrêtait le film, me prenait par le bras et me disais : « Bon, t’as compris que c’est son cousin, à lui ? » C’était rigolo. Autrement, je n’ai jamais plongé dans les séries parce que c’est trop chronophage. Pour moi. Je fourmille de trucs à faire et je n’arrive pas à me poser. Ça doit être dans mon ADN. Incompatible.
En vous écoutant, dans votre documentaire, nous ne sommes pas certaines que les têtes d’affiche vont être Juliette Binoche ou Di Caprio. Parce qu’il y a quelque part plein de jeunes qui sont, pas forcément plus engagés, mais en tout cas tout autant, qui n’ont pas forcément encore la même notoriété mais qui sont au point des débuts de Binoche et Di Caprio et qui sont tout aussi importants pour notre jeunesse.
Luc Marescot : Si vous avez une liste, je suis preneur ! Le petit handicap que j’ai, qui devient un gros handicap quand je rentre dans le monde du cinéma, c’est que ma vie entière, pendant plus de 30 ans, huit mois par an, je suis sur le terrain. Donc, huit mois par an, je ne vois aucun film qui sort. Et ça ne fait pas de moi un cinéphile mondain. Quand je rentre les 4 mois, il faut bien que je vois un peu ma famille, j’ai plein de trucs à régler, réparer des trucs dans la maison, enfin… Alors si on me demande si j’ai vu tel ou tel acteur, son jeu, tout ça, je réponds que je peux parler du jeu du gorille ou de l’éléphant !
Ce qui m’a le plus surpris en passant du monde du documentaire au monde du cinéma, c’est que je connais plein de gens du documentaire qui sont sur le terrain, mais que le cinéma, c’est beaucoup d’urbains. Ce n’est pas pour rien que 99% des films sont des films urbains. Je me rappelle d’une interview de Martin Scorcese qui disait que le meilleur conseil qu’on lui ait donné quand il a démarré, c’est que, puisqu’il habitait à Little Italy, il devait faire ses films à Little Italy. Parce qu’il en connaissait les codes, les recoins, ses histoires seraient crédibles.
Aujourd’hui, quel réalisateur habite au fin fond de la forêt ? Il faudrait que Tarzan ou Mowgli ou même Francis Hallé soient des réalisateurs et ils feraient des films merveilleux où la forêt serait un personnage. C’est pas le cas. On a des réalisateurs urbains, entre eux, qui se cooptent, boivent des coups ensemble, font des films ensemble et ça crée un milieu dans lequel c’est très difficile pour moi de rentrer parce que je ne suis pas cinéphile comme eux, par la force des choses.
“Pourquoi on ne ferait pas un Blood Forrest pour les sauver les forêts ?”
Par contre, je connais la forêt comme aucun d’entre eux ne la connaît. Du coup, la nature se retrouve dans leurs films comme un décor, comme un paysage, rarement comme un personnage. Le dernier film où la nature est peut-être le personnage c’est Avatar, en fait. Depuis, même des films comme The Revenant, avec Di Caprio… Ok, la nature, il fait froid, donc Di Caprio a froid et puis voilà. Mais on ne comprend pas l’écosystème de ce monde-là. Ça reste un décor. Dans le désert il va faire chaud, dans les montagnes il va faire froid. Ça ne va pas beaucoup plus loin.
Alors, à quel moment, tous ces réalisateurs, contre lesquels je n’ai rien – au contraire, j’ai envie de faire des projets avec eux – pourraient-ils se dire : « Tiens, si on s’emparait de gens qui ont de vraies connaissances de ces écosystèmes-là ? » Parce que je trouve que le cinéma a un pouvoir émotionnel de dingue. Quand je vois qu’un Blood Diamond réussit à faire ce qu’aucun documentaire n’avait réussi avant ! Pourquoi on ne ferait pas un Blood Forrest pour les sauver les forêts ? Ou en tout cas y participer.
Je pense que les professionnels du cinéma sont un peu quand même dans leur entre-soi. Et j’aimerais qu’ils réalisent qu’ils ont un « pétard » de pouvoir pour aider les choses pour la nature. Qui est quand même le truc dont il faut s’occuper aujourd’hui.
Poumon Vert & Tapis Rouge
Un film de Luc Marescot avec Francis Hallé, Juliette Binoche, Nicolas Hulot, Antoine de Maximy, Claude Lelouch, Édouard Baer, Jacques Perrin et… Léonardo Di Caprio
En salle dès le 29 septembre 2021
©Luc Marescot – Photos aériennes forêts ©Marc Dozier