Culture

David Caumette agriculteur et Jean-Pierre Améris réalisateur pour le film Les Folies Fermières cabaret à la ferme inspiré d'une histoire vraie interview

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Les Folies Fermières, portrait d’un paysan rêveur 

L’agriculteur David Caumette a rêvé qu’un cabaret allait sauver sa ferme et il l’a fait. Jean-Pierre Améris raconte ses Folies Fermières sur grand écran.

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Comment faire d’un rêve une réalité ? Peut-être en ne baissant jamais les bras. Le film de Jean-Pierre Améris Les Folies Fermières rend hommage aux doux rêveurs qui ont de la suite dans les idées et du cœur à l’ouvrage. À la sueur de son front, David Caumette, agriculteur dans le Tarn, a créé le premier cabaret à la ferme pour sauver son exploitation. Il voit aujourd’hui son histoire racontée sur grand écran et donne l’exemple d’un nouveau mode de production agricole en France. Interview.

Nous n’aurions jamais imaginé faire le parallèle entre culture et agriculture. Pourtant, la différence ne tient qu’à quatre petites lettres. C’est en rencontrant l’artiste réalisateur Jean-Pierre Améris en compagnie de l’artiste agriculteur David Caumette que les fils se tissent et que les similitudes crèvent les yeux. Or, dans les deux mondes, il n’y a pas de rêve qui se réalise sans détermination et sans travail, pas de révolution sans audace. À l’image de son propre personnage dans le film Les Folies Fermières, imaginé d’après son histoire et résliasé par Jean-Pierre Améris, David Caumette n’a jamais eu peur du ridicule et, bien décidé à sauver son exploitation, a peut-être trouvé une voie –pas si novatrice que ça, en définitive– qui pourrait bien sauver le secteur agricole à plus large échelle. Limiter les intermédiaires et diriger les marges au bon endroit, un basique ? Et s’il devenait ministre de l’agriculture ?

David Caumette raconte la création de son cabaret à la ferme comme nouvelle manière de penser l’agriculture

Les Folies Fermières, un film tendre, les pieds dans la bouse, les yeux dans les étoiles

Les talons aiguilles littéralement dans la bouse, Bonnie Starlight, danseuse de cabaret, atterrit dans le rêve éveillé de David, agriculteur bien décidé à sauver sa ferme de la faillite. Elle devait être touchée par l’infinie tendresse que dégagent les yeux d’Alban Ivanov. L’acteur porte fièrement le courage, la détermination et la conviction ancrée que rien n’est impossible à condition d’y croire de David Caumette qui a inspiré son personnage. Un amour de la vie proportionnel à celui, bourru, que lui voue sa mère, Michèle Bernier en pleine forme, touchante et hilarante, bien décidée à ne pas laisser son poussin faire n’importe quoi avec l’exploitation familiale. Sans pour autant faire front commun avec le grand-père réfractaire incarné par le magnifique Guy Marchand.

Alban Ivanov paysan rêveur dans la film de Jean-Pierre Améris

LES FOLIES FERMIÈRES

D’après une fabuleuse histoire vraie.

David, jeune paysan du Cantal, vient d’avoir une idée : pour sauver son exploitation de la faillite, il va monter un cabaret à la ferme. Le spectacle sera sur scène et dans l’assiette, avec les bons produits du coin. Il en est sûr, ça ne peut que marcher ! Ses proches, sa mère et surtout son grand-père, sont plus sceptiques.

transformiste Dalida sur la scène des Folies Fermières

L’ouverture d’esprit de David vient balayer les clichés sur les rats de champs et se charge de transformer la condescendance des rats de villes. Le mélange des deux univers, pas gagné d’avance, finit par prendre notamment grâce à une équipe savoureuse d’artistes de cabaret. Au cinéma comme dans la vie.

Car les talents cachés derrière les uniformes de vendeurs de prises électriques ou de fromages ne se révèlent pas qu’aux personnages du film, lancés dans une audition itinérante afin de monter leur premier cabaret fermier. Ce casting d’artistes régionaux laisse éclore des pépites de justesse et d’émotion. À l’image du personnage de Dominique, interprété par le transformiste Philippe Benhamou, absolument bouleversant et d’une beauté à couper le souffle. En définitive, on sort du film gonflé à bloc, prêt à déplacer des montagnes – ou au moins quelques meules de foin – parce que tout est possible. La preuve.

Un agriculteur-rêveur : David Caumette. Un réalisateur : Jean-Pierre Améris. Un film : Les Folies Fermières. Une interview en parallèle et en similitudes.

David Caumette agriculteur et l'équipe du film Les Folies Fermières de Jean-Pierre Améris cabaret à la ferme

Bonjour ! Comme première question rituelle, pouvons-nous vous demander de vous présenter à votre manière ? Vous avez carte blanche…

David Caumette : Je m’appelle David Caumette, je suis agriculteur dans le Tarn, à 20km au-dessus de Toulouse.

Jean-Pierre Améris : Bonjour ! Je m’appelle Jean-Pierre Améris, je suis réalisateur du film Les Folies Fermières, l’histoire d’un paysan qui, pour sauver sa ferme, a eu l’idée d’y créer un cabaret. Je viens de manger une fondue dans la région de Lausanne chez des vignerons producteurs qui organisent aussi des spectacles et qui nous ont très bien reçus. C’est peut-être pour ça que j’ai fait ce film, pour le « bien vivre » et le « bien manger ».

Jean-Pierre Améris, comment est-ce que vous avez découvert ces Folies Fermières, les vraies, celles de David Caumette ?

Jean-Pierre Améris : En regardant la télévision. Je suis un spectateur assidu, je la regarde beaucoup et j’y apprends énormément. Et je me félicite de l’avoir regardée ce soir-là de janvier 2018 où j’ai découvert dans un reportage ce jeune agriculteur, David Caumette, qui, en 2015 face à la faillite de sa ferme, a eu une idée. Pour faire revenir les gens à la ferme, faire en sorte qu’ils consomment ses produits, il a créé un cabaret. J’ai aimé cette rencontre du monde paysan et du monde des artistes. Une semaine après, j’étais chez lui, on a beaucoup discuté, je l’ai beaucoup écouté, rencontré ses parents et sa femme… À partir de là, on s’est lancé dans l’écriture de cette belle histoire.

Comment vous est venue cette idée folle de cabaret à la ferme ?

David Caumette : (Rires) Le cabaret, c’est vrai que c’est une grande histoire ! J’ai fait des études de mécanique et j’ai été enseignant pendant plusieurs années. Puis, j’ai été directeur dans un lycée agricole et ça fonctionnait très bien. Mais j’ai voulu ensuite reprendre la ferme familiale, qui était en difficulté financière. C’était une ferme qui était en phase finale, vraiment. Mes parents commençaient à vendre le cheptel, les vaches principalement.

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je ne serai jamais la quatrième génération d’agriculteurs sur cette ferme.

Il y avait alors d’abord un problème de dignité par rapport à la famille et aussi, entre temps, cette ferme était devenu le dernier élevage de la commune. Donc là, on parlait vraiment d’intérêt général. Aujourd’hui, dans une commune rurale le fait de ne plus avoir de vaches, c’est problématique. Ça lui retire son qualificatif.

Une fois qu’on a analysé ces deux problèmes, j’ai démissionné de mon poste de directeur pour reprendre la ferme. L’objectif, dès ce 1er avril 2007, a été de trouver toutes les solutions possibles et inimaginables pour sauver cette ferme. Dans un premier temps, on a remis en conformité toute l’exploitation, je me suis associé avec mes parents pour créer « Les Saveurs fermières » qui était notre première société en polyculture élevage. On était resté sur de l’agriculture traditionnelle qui n’était toujours pas rentable, malheureusement.

David Caumette agriculteur artiste paysan créateur des Folies fermières cabaret à la ferme Tarn avec sa femme

David Caumette : En 2013, ma femme m’a rejoint dans l’aventure et à ce moment-là on a complètement changé d’agriculture qui était, non pas celle qu’on nous avait enseignée mais qui répondait aux besoins, surtout aux nouveaux besoins, des consommateurs. C’est-à-dire qu’on a créé une boutique des producteurs composée de 40 partenaires qui a permis de récupérer la marge des intermédiaires. Cette boutique a très bien marché de 2007 à 2013, si ce n’est qu’en 2013-2014, en France, l’ouverture des supermarchés le dimanche nous a fait beaucoup de mal. Nous faisions ce qu’on appelle des marchés de producteurs, en plein air : 2 le mercredi, 2 le samedi et 3 le dimanche. Et dès 2013, toutes les personnes qui venaient au marché le dimanche sont allées au supermarché et nous avons perdu 30% de notre chiffre d’affaire en 6 mois. On a replongé et impossible de remonter la pente. Mais ma femme m’a dit :

« Non, ne baisse pas les bras. Je suis cuisinière de formation, alors on va pousser la démarche encore plus loin pour amener le produit au consommateur. Plutôt que de valoriser le produit uniquement dans le panier de la ménagère, on va le valoriser dans l’assiette du consommateur. S’il veut bien manger, il va désormais devoir venir à la ferme.»

Alors on a construit une ferme auberge, qui est un restaurant à la ferme dont la moitié des produits viennent de la ferme. Et comme on n’avait pas d’argent pour payer les serveurs, etc. : le producteur de vin sert le vin, le producteur de légumes les légumes, le producteur de formage les formages et le producteur de viande que je suis sert la viande et la charcuterie. On s’est alors rendu compte qu’on avait créé un concept où le producteur servait directement son produit dans l’assiette du consommateur, donnait le meilleur de lui-même, tout son savoir-faire dans l’assiette. Nous nous sommes donc appelés « Le Spectacle dans l’assiette ».

La première année d’ouverture, on a fait une moyenne de 15 couverts par semaine dans une salle de 100 couverts, ce qui était dramatique. Le comptable a tiré la sonnette d’alarme parce qu’on n’avait aucun revenu. Et ma femme m’a dit :

« David, le spectacle dans l’assiette que tu présentes quand tu passes vers les tables, personnellement, il ne me fait pas rêver. J’aimerais un vrai spectacle avec des chippendales, des danseuses, des magiciens. »

Moi, à ma femme, je ne peux rien lui refuser. C’est à partir de là qu’on a commencé à faire venir des artistes directement à la ferme. De fil en aiguille, l’État français m’a demandé de passer un examen, une licence de spectacle, parce qu’en théorie, un agriculteur n’a pas le droit d’embaucher un artiste. Ce n’est pas le bon Ministère. Je dépends du Ministère de l’Agriculture et les artiste de celui de la Culture. Comme j’avais obtenu mon examen, ça posait problème et l’administration m’a alors assimilé à un cabaret qui était l’activité qui se rapprochait le plus de ce que nous faisions : manger les produits de la ferme et présenter un spectacle.

À partir de ce jour-là, j’ai eu l’étiquette « cabaret ».

David Caumette agriculteur artiste paysan créateur des Folies fermières cabaret à la ferme Tarn interview

David Caumette : Tout ça parce qu’une personne à Paris n’a pas su me faire entrer dans la bonne case. Un problème administratif français, ni plus, ni moins. Mais comme on m’appelait comme ça, et comme je suis très joueur, on a créé le premier cabaret à la ferme de France. Cela dit, c’était encore très compliqué d’embaucher des artistes. Je vous raconte une anecdote… Un des premiers numéros qu’on est allé voir, c’était des danseuses à Toulouse. Et quand nous les avons approchées à la sortie de leur travail, elles ont pensé que nous avions fait un collectif d’agriculteurs pour nous trouver des filles et tomber amoureux. Alors que pas du tout ! On voulait vraiment les embaucher pour leur talent d’artiste uniquement. L’une d’elles a alors dit :

 « De toute façon, on n’a rien à perdre. »

C’est ce qu’on retrouve un peu dans le film. Et quand les artistes sont venus, ce qu’il y a eu de beau, c’est que là, la magie a opéré. Ils ont vraiment compris que nous voulions sauver cette ferme et que, comme eux, nous ne faisions pas un métier, mais nous avions une vocation. Comme les agriculteurs, ils ont un métier passion, ils ne comptent pas leurs heures, ne font pas ça que pour l’argent… À partir de là, la folie des deux métiers a fusionné, a créé cette osmose qui a donné naissance aux Folies Fermières.

Du coup, le travail a été réparti entre agriculteurs, qui présentent leur savoir-faire dans l’assiette, et artistes, qui font leur représentation sur scène, avec pour objectif la combinaison des deux spectacles, gustatif et visuel, et émerveiller les papilles et les pupilles du consommateur qui s’est déplacé à la ferme. Je parle beaucoup, il faudra me couper peut-être !

Quelle était votre profonde motivation pour réaliser ce film Jean-Pierre Améris ? Est-ce que c’était de tourner à la campagne, pour les strass et les paillettes du cabaret ou est-ce parce que vous avez eu un vrai coup de cœur admiratif pour la détermination de cet agriculteur qui vous accompagne ?

Jean-Pierre Améris : Ce qui m’a vraiment inspiré dans son histoire et ce qui m’a porté tout le long de ces 4 années qu’a nécessité la réalisation de ce film, c’est cet éloge du collectif. Raconter comment, dans nos sociétés si dures, quand même, il faut faire appel aux autres. David Caumette, paysan, ne connaissant pas du tout le monde des artistes, n’a pas eu peur d’aller vers eux, d’être un peu moqué, même, au début. Aller vers l’autre. Prendre son risque, comme on dit. Ne pas avoir peur d’échouer, ne pas avoir peur d’être critiqué. C’est vraiment un éloge des rêveurs qui concrétisent leur rêve et du collectif.

Et puis ça s’est organisé dans une histoire avec que des personnages, du côté paysan comme du côté artiste, qui sont solitaires dans la vie. Qui sont un peu blessés par la vie mais qui vont retrouver là un sens à leur existence et une joie de vivre. C’est vraiment ce que j’ai ressenti dans son histoire et ce que j’avais envie de transmettre aux spectateurs. Les joies de vivre et de se risquer.

entre acteurs et paysans sur le tournage du film de Jean-Pierre Améris Les Folies Fermières

Vous avez rêvé de ce projet David Caumette et vous l’avez fait. Est-ce que vous pensez que l’avenir sourit aux rêveurs ?

David Caumette : (Rires) Le film en soi est l’éloge des rêveurs. Alors, il y a rêveur et il y a fou, ça se rejoint un petit peu. Ce que j’aime dire par rapport aux rêveurs c’est que le matin, il y a ceux qui se recouchent pour continuer leur rêve, et puis il y a ceux des Folies Fermières qui se lèvent pour le réaliser. Quant à la folie… Le fait de créer une boutique des producteurs et un cabaret en pleine zone rurale, en pleine campagne, pendant très longtemps et encore aujourd’hui, je vous laisse imaginer qu’on m’appelle le fou du village ! Et bien, il faut arriver à leur répondre intelligemment : on a mis tous les fous ensemble et on a créé Les Folies Fermières. Et, si vous allez voir mon site Internet, vous verrez que la première phrase est :

« Les fous ouvrent les portes qu’emprunteront ensuite les sages. »

Ce que ça veut dire est très important : aujourd’hui c’est peut-être de la folie, mais demain ? En 15 ans – maintenant ça fait 15 ans que je suis installé – dans un petit village de 300 habitants, on a créé deux commerces de proximité (la boutique et le cabaret), 15 emplois et surtout, grâce aux artistes, réussi à sauver le dernier élevage de la commune. Et pourquoi grâce aux artistes ? Parce que malheureusement, à l’heure où je vous parle, l’administration française n’a toujours pas trouvé la case dans laquelle me faire entrer ! J’ai toujours fait partie de ceux qui ne rentrent pas dans les cases et je ne cherche plus à le faire.

Si ça avait été le cas, aujourd’hui on n’aurait pas de film. Et ce que je suis en train de vivre avec Jean-Pierre Améris, c’est un moment très particulier. Un agriculteur qui va présenter un film avec le réalisateur ! Vous imaginez ? Là, je suis en train de faire un autre métier. Un jour d’ailleurs, on m’a demandé quelle était ma profession et j’ai aimé dire : « Je suis artiste paysan. » Ça résume bien la situation.

Sabrina Ouazani et Bérangère Krief dans Les Folies Fermières cabaret à la ferme

Donc, rien n'est impossible...

Jean-Pierre Améris : J’ai tendance à croire, d’autant plus en vieillissant, qu’en effet, rien n’est impossible. Et c’est quand même un sujet dans le film. J’ai connu plein de gens en fin de vie qui se disaient que la vie était passée et que finalement ils ont eu peur. C’est tellement triste ! Qu’il y a plein de choses qu’ils n’ont pas osé faire, par peur du regard des autres. Dès l’école, ça arrive. « Qu’est-ce qu’on va penser de moi ?  Ne pas se faire remarquer. J’ai peur d’échouer, peur d’être critiqué. »

Du coup on fait des vies un peu en-dessous de ce qu’elles pourraient être. Et ce film encourage justement à prendre son risque. Puisque tout est difficile dans nos sociétés, pour tout le monde, autant faire quelque chose. Qu’est-ce qu’on risque ?

Qu’est-ce qui est le plus compliqué, s’occuper des animaux ou des artistes ?

David Caumette : Ouh la ! (Rires) Celle-là, on ne me l’a jamais faite ! Je ne vais quand même pas dire que c’est pareil…  Hehe. C’est très compliqué parce que les artistes ont la tête dans les étoiles, ce que j’admire, et que nous, les agriculteurs, avons les pieds trop ancrés dans la terre. On est vraiment les culs terreux, voyez. Alors, entre les deux, il a fallu créer cette parenthèse Folies Fermières pour que tout le monde s’accorde. Ensuite, la différence qu’il y a entre les animaux et les artistes, c’est qu’ils n’étaient jamais sensés se rencontrer. Et ce qu’il y a de beau, c’est qu’aujourd’hui, les artistes sont tellement engagés dans le projet que le matin, ils arrivent plus tôt et, avant d’aller se maquiller, ils font un tour à la ferme pour voir les animaux, s’amuser avec les petites chèvres. C’est magique. Tout le monde est en communion et arrive à avoir des échanges que je n’aurais jamais imaginés auparavant. Parce qu’au début ils me disaient :

« Pour participer au cabaret à la ferme,. Est-ce qu’ils faut qu’on viennent avec les bottes et la salopette ? »

Alors qu’aujourd’hui, avec leurs talons aiguilles, leurs plumes et leur grand maquillage, si grand que c’en est presque trop, ils vont voir les animaux. C’est vraiment la rencontre de deux mondes. La culture et l’agriculture, théoriquement, ne sont pas amenés à se rencontrer. Les agriculteurs sont lève-tôt, les artistes couche-tard, ils vivent la nuit et nous le jour. Il y fallu trouver un juste milieu pour que Les Folies Fermières puissent exister.

Sabrina Ouazani et Alban Ivanov dans l'étable avec une vache

Et dans ce juste milieu, qu’est-ce qui a été le plus compliqué à tourner ? Les scènes paysannes ou les scènes de cabaret ?

Jean-Pierre Améris : J’ai toujours tendance à dire : temps que je tourne, rien n’est vraiment difficile. Puisque c’est ma passion et que c’est mon rêve. Ce qui est difficile dans la vie d’un réalisateur, c’est quand il n’arrive pas à faire ses films ! Quand par exemple j’écris un scénario, pendant 1 ou 2 ans, que les producteurs ne trouvent pas l’argent pour le faire et que ce film reste dans ma tête ou mes tiroirs, ça c’est vraiment difficile. Sinon, tout est passionnant. C’était passionnant de tourner dans une ferme en activité de la région du Cantal. Je n’ai pas tournée dans la région du Tarn où vit le vrai paysan.

Dans le Cantal, il y avait un peu un côté western et je me la jouais Clint Eastwood, une de mes idoles.

Des grands paysages battus par les vents à 1000 mètres d’altitude, je voyais mon paysan comme un cow-boy qui veut sauver son ranch. Bonnie, la danseuse qu’il engage, comme la fille de mauvaise vie qui a un cœur tendre. C’était ce désir-là et on en a profité. Les conditions étaient rudes, on a eu froid pendant les 2 mois de tournage, pourtant c’était avril-mai, le printemps. Mais ça nous a beaucoup servi.

Et puis, dans cette ferme en activité, on a beaucoup appris. Michèle Bernier, qui joue la mère, a appris à faire le fromage, le Cantal, comme on la voit faire dans le film. Alban Ivanov, qui est d’origine paysanne, a appris à traire les vaches et à nettoyer leurs pis. Donc, vous voyez, ça se mélangeait comme dans le film. Ce qui me fait le plus plaisir aujourd’hui, c’est quand des agriculteurs me disent que le film est vraiment authentique. On voit les toiles d’araignées dans l’étable, on voit qu’on était dans une ferme. Alors, oui, la difficulté était d’ordre météorologique.

Sinon, filmer les spectacles, c’était mon rêve.

C’est la deuxième fois dans ma carrière que je filme le théâtre, le music-hall, après L’Homme qui rit d’après Victor Hugo, et c’est un bonheur. D’autant plus, là, que Sabrina Ouazani (qui interprète Bonnie) est danseuse et que je savais qu’elle ferait elle-même les numéros dansés. Le transformiste est un vrai transformiste. La jeune fille sourde est vraiment magicienne…

numéro de magie dans le film Les Folies Fermières cabaret à la ferme
répétition du show cabaret des Folies Fermières dans le film de Jean-Pierre Améris

Quel est l’artiste qui vous a le plus touché dans ce casting cabaret ?

Jean-Pierre Améris : J’ai été très touché par la belle personnalité de notre transformiste Philippe Benhamou, Golda de son nom de scène (qui joue le rôle de Dominique), qui joue dans les grands cabarets de Paris, chez Michou notamment. Il fait Dalida, comme dans le film, mais aussi Diana Ross et Lisa Minnelli. C’était son premier rôle au cinéma et c’était beau à voir comme ce garçon profitait de cette chance de tourner dans ce film et s’est révélé excellent comédien. Un bonheur.

De toutes façons, et c’est la moindre des choses, j’aime et j’ai besoin d’aimer mes comédiens et mes comédiennes pour les filmer. Aimer les filmer. Je ne fonctionne pas trop au « qui est le meilleur » mais plutôt au « qui j’ai envie de filmer ? ». D’ailleurs, je mélange souvent professionnels et non professionnels ,parce que ce n’est pas là qu’est la question pour moi. Ce que j’essaie de filmer, c’est l’être humain en face de moi.

Repas à la ferme en plein air

Comment est-ce que vous voyez l’évolution de l’agriculture en ce moment ?

David Caumette : Ha Ha ! Ce sont de bonnes questions ! Je fais partie de ceux qui croient à l’ancienne agriculture. C’est-à-dire un système de polyculture élevage qui, pour moi, est le cercle vertueux de l’agriculture. Ça repose sur une économie très juste. Les céréales et le foin qu’on produit permettent de nourrir les animaux. Une fois que les animaux ont consommé ces produits-là, ils nous donnent du lait ou de la viande, mais ensuite ils nous rendent du fumier qui servira d’engrais organique dans les champs. Je suis en agriculture biologique depuis très longtemps et je trouve que ça fonctionne très bien, ça crée un équilibre très intelligent.

Aujourd’hui, on a une politique agricole en France – et c’est peut-être pareil au niveau européen – qui fait que les gouvernements ont tendance à vouloir des agriculteurs spécialistes. Soit ils vont faire que de la grande culture, soit ils vont faire que de l’élevage. Mais le problème c’est que ça crée des dépendances, parce que ceux qui ne font que de la grande culture, à un moment donné, seront obligés d’avoir recours aux engrais chimiques. Ceux qui, par contre, ne feront que de l’élevage, à un moment donné, n’auront pas assez de paille et vont devoir l’acheter aux céréaliers.

Le fait de se spécialiser, pour moi, n’est pas une solution. J’ai préféré garder une exploitation de taille moyenne mais dont je maîtrise toutes les productions et, surtout, leur prix de vente.

Parce que le fond du problème dans l’agriculture, il est là. Actuellement, l’agriculteur va produire du blé mais ne sait pas à quel prix il va le vendre. Il va produire du lait sans savoir non plus à quel prix il va le vendre. Alors que dans mon schéma-là, je fais peut-être trois métiers (agriculteur et artisan boucher pour ainsi dire), mais quand je vends ma viande, je fixe le prix que je veux. Il faut reprendre la main sur les intermédiaires qui aujourd’hui font 30% du travail et touchent 70% de la marge. L’inverse pour les agriculteurs. Le problème est aussi simple que ça. On a envie de faire passer le message aux producteurs qu’ils doivent se rapprocher le plus possible du consommateur final afin de supprimer les intermédiaires et enfin vivre de leur activité.

Michèle Bernier dans Les Folies Fermières de Jean-Pierre Améris

Jean-Pierre Améris : David Caumette est évidemment plus à même d’en parler que moi, mais j’ai beaucoup appris à son contact. Il le dit, les jeunes générations doivent se diversifier, trouver des idées, parce que l’agriculture comme la faisaient les générations précédentes n’est plus rentable. C’est dur à admettre pour les anciens, comme on le voit dans le film. Guy Marchand est contre cette idée : « On est des paysans, on culture la terre, on n’a pas à faire du spectacle avec des filles, avec des plumes ». Et d’autres font des chambres d’hôtes, des repas à la ferme. Trouver des idées et faire revenir les gens au plus près de l’agriculture. On l’associe trop souvent à l’agriculture intensive et industrielle, presque, qui pollue, alors qu’on peut amener le public auprès d’agriculteurs qui ont conscience de la petite exploitation.

Comme on pourrait faire un parallèle avec les cinémas indépendants dans lesquels le public peine parfois à venir ou revenir…

Jean-Pierre Améris : Je crois que c’est aussi pour ça que j’ai fait ce film. Je me suis trouvé plein de points communs avec ce paysan. Dans la difficulté d’aller au bout de nos rêves, son spectacle et sa ferme, moi mes films. Et puis notre goût de réunir, de donner du plaisir. En effet, pour l’instant, c’est difficile pour le cinéma, le public n’est pas complètement revenu dans les salles, loin de là. Les exploitants sont à moins 30%. C’est alors à nous de trouver des sujets qui donnent envie de sortir. Encore une fois, c’est toujours cette même thématique : sortir de son isolement, sortir de soi, sortir de sa prison. Elle est confortable, hein, sa prison : j’ai mon appartement, j’ai mon film… mais on sait quand même que l’expérience collective est toujours plus forte, quand on partage.  Et qu’on est toujours content quand on surmonte sa paresse –moi le premier.

paysans à la ferme agriculture modernité Alban Ivanov

Si demain on vous offre le poste de Ministre de l’Agriculture, vous acceptez ou pas ?

David Caumette : La différence entre un Ministre de l’Agriculture et moi, c’est que moi je sais traire une vache. J’ai commencé en bas de l’échelle et tous les métiers de l’agriculture je les connais sur le terrain. Lui, il les connaît avec des livres. Moi, personnellement, j’ai toujours fait confiance au terrain, donc je suis ouvert à sa candidature.

Qu’est-ce que vous diriez à un jeune qui veut se lancer dans l’agriculture aujourd’hui ?

David Caumette : La première chose : il faut qu’il croit en lui. Le problème aujourd’hui en France c’est que les jeunes ne croient plus du tout en eux. Ils sont complètement dépendants d’un système, d’une société qui les a formatés et d’une éducation aussi qui leur a dit comment faire. Et moi, je n’ai jamais fait comme il faut et ça a quand même fonctionné. Et puis, ce film, comme moi, défend cette idée de l’éloge des rêveurs : il faut croire en ses rêves.

Si c’est votre passion, il ne faut pas avoir honte de le faire. Et surtout, il faut le faire avec le cœur.

La réponse indirecte à votre question c’est que, quand vous vous levez, si vous n’avez pas la boule au ventre à l’idée d’aller travailler, ce n’est plus un travail, c’est une passion. Dès lors, plus aucun jour de votre vie vous n’allez travailler, mais vous allez vivre. Pour vous donner un ordre d’idée, mes parents n’ont jamais voulu que je sois agriculteur. J’avais réussi à l’école, ils m’ont fait faire des études, sauf que moi, depuis l’âge de 5 ans, je veux être agriculteur. Donc, j’ai rempli mon contrat auprès de mes parents –ils avaient affiché mon diplôme sur la cheminée !– mais j’ai décidé après de vivre ma passion. Mais, quand vous êtes fonctionnaire en France et que vous devenez agriculteur, vous divisez votre salaire par deux et j’ai multiplié mon temps de travail par 2. Tout l’inverse de la logique. Puisque c’était ma passion et mon rêve, je l’ai fait avec le cœur. Ça permet de grandes choses. Aujourd’hui, des artistes qui se produisent dans une ferme, c’est de la folie qui commence à être écoutée par tout le monde.

« Il tire la France vers le haut, ça ne peut être qu’un exemple. »

Guy Marchand paysan bourru dans le film de Jean-Pierre Améris Les Folies Fermières

Le film va assurément vous offrir une visibilité encore plus grande. Est-ce que vous êtes prêt à agrandir ?

David Caumette : (Rires) Depuis tout petit, je suis amoureux des vaches. Il y en a qui veulent mourir sur scène, moi je veux mourir au milieu de mes vaches. L’élevage c’est ma passion et tout ce qui est agricole c’est de la magie. Vous plantez une graine et il y a une plante qui sort. Tout ça ne s’explique pas, c’est magique. En plus de ça, je suis la 4ème génération à vivre dans de ferme. Donc, oui, le cinéma c’est un autre milieu qui va me permettre d’ouvrir beaucoup de portes et c’est déjà le cas, pour tout vous dire. On a eu des propositions pour des franchises qui aurait permis de créer des Folies Fermières partout en France et même à l’international. Mais après, je me pose la question : est-ce que c’est vraiment mon but ?

À la base, c’était de sauver une ferme, pas de me remplir le portefeuille.

J’ai alors pris le problème à l’envers et je me suis dit que je voulais  essayer de sauver ma ferme, montrer à l’État français qu’aujourd’hui il faut arrêter de vouloir faire entrer les agriculteurs (et toutes autres personnes) dans des cases. Qu’il faut les laisser innover et se diversifier. C’est un combat et un message pour l’administration pour qu’elle arrête de se mettre des œillères. Le métier d’agriculteur a évolué. Il faut laisser ces projets émerger. Je serais donc plutôt du genre à aider d’autres personnes à se diversifier plutôt que d’aller faire le businessman à l’autre bout du monde. Je ne dis pas pour autant qu’il ne faut pas gagner d’argent, mais je cherche juste un certain équilibre. Ma priorité entre la famille et le portefeuille, c’est la famille.

La femme et la mère dans le cabaret des Folies Fermières film inspiré de la vie de David Caumette

L’avenir sourit aux rêveurs dans votre film Jean-Pierre Améris… Quel est votre prochain rêve de cinéma ?

Jean-Pierre Améris : Le prochain rêve de film est pour cet automne. Il s’appelle Changer le sens des rivières avec Michel Blanc et la chanteuse actrice Louane. C’est une histoire de transmission entre un vieux juge misanthrope et une jeune délinquante qui va se découvrir une passion pour la justice et le droit. Je n’ai jamais fait de films trop négatifs, mais je crois que j’ai vraiment envie aujourd’hui de livrer aux spectateurs des émotions positives qui les lancent vers la vie. Là aussi, le message c’est : il faut oser. C’est trop triste de voir ces jeunes de banlieue qui dès 13 ans se résignent et se disent que c’est foutu pour eux quoi qu’il arrive. Non. J’ai envie d’y croire. Ce n’est jamais foutu.

David Caumette agriculteur et Jean-Pierre Améris réalisateur pour le film Les Folies Fermières cabaret à la ferme inspiré d'une histoire vraie interview affiche du film

LES FOLIES FERMIÈRES

Un film de Jean.-Pierre Améris
Avec Alban Ivanov, Sabrina Ouazani, Michèle Bernier, Guy Marchand, Bérangère Krief

Au cinéma dès le 11 mai 2022

DAVID CAUMETTE

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Photos : ©Caroline Bottaro

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