Dans son dernier film Maestro(s), Bruno Chiche met en scène (à la baguette ?) deux génies, deux égos en souffrance. Pierre Arditi et Yvan Attal, incarnent ces deux hommes, père et fils, chefs d’orchestre à la soif de reconnaissance insatiable, dont l’accomplissement est diablement cornélien. L’occasion d’une interview, histoire de décortiquer les relations filiales, sur fond de musique classique avec Pierre Arditi et Bruno Chiche.
Doit-on toujours tuer le père pour s’accomplir en tant que fils ? Depuis la nuit des temps et ses tragédies grecques, les relations filiales sont truffées d’embûches. Non-dits, sentiments cachés, par pudeur ou par fierté, rivalités, combats de coqs, père et fils embrassent la palette amour-haine de la comédie humaine. Le réalisateur Bruno Chiche, pour son sixième long-métrage, s’offre un lignage de cinéma rêvé : Pierre Arditi, le père, Yvan Attal, le fils, Nils Othenin-Girard, le petit-fils. En leur glissant une baguette de chef d’orchestre dans la main, il met en scène autour d’un quid pro quo l’amour maladroit et parfois indétectable d’un père et d’un fils. Réunis devant notre caméra, nous avons mis Pierre Arditi et Bruno Chiche sur le divan pour une interview filiale.
L’interview psychanalytique (c’est eux qui le disent) de Pierre Arditi et Bruno Chiche
MAESTRO(S)
Chez les Dumar, on est chefs d’orchestre de père en fils : François achève une longue et brillante carrière internationale tandis que Denis vient de remporter une énième Victoire de la Musique Classique. Quand François apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala, son rêve ultime, son Graal, il n’en croit pas ses oreilles. D’abord comblé pour son père, Denis déchante vite lorsqu’il découvre qu’en réalité c’est lui qui a été choisi pour aller à Milan…
Quand Pierre Arditi et Yvan Attal mettent la relation père fils en musique
Est-ce qu’on peut imaginer un Pierre Arditi plus bougon et désagréable ? Pas vraiment. Le sourcil froncé, la moue un rien méprisante, le regard dur. Mais derrière cette exigence élitiste de père, ne se cacherait pas une pointe de jalousie ? Le chef d’orchestre Dumar père sent venir le temps où il faudra passer la baguette. Le pire, c’est que c’est à son fils qu’il faudra peut-être la céder.
Embourbés dans une relation filiale faite de comparatifs et de rivalités, le père et le fils incarnés avec brio (on oserait dire avec Maestria) par Pierre Arditi et Yvan Attal cachent leur amour et leur admiration sous un manteau de silences et de jugements grinçants. La rigueur qu’impose le métier commun qu’ils exercent, la direction d’orchestre classique, a comme amidonné leurs contacts, rares et sans chaleur. Jusqu’à ce qu’un quid pro quo leur impose de se confronter.
Et les femmes donnent le tempo
Et les femmes dans tout ça ? On ne saurait utiliser l’élocution désuète contre-#metoo-esque « derrière tout grand homme il y a une femme ». Nous préférerons citer Pierre Arditi qui n’hésite pas à clamer que les femmes donnent le courage aux hommes qui en sont dépourvus. Miou Miou, la mère, Pascale Arbillot, l’ex-femme et agente, Caroline Anglade, l’amoureuse, toutes ont une place prépondérante et essentielle dans l’existence de ces Maestro(s).
Elles les connaissent jusqu’au bout des doigts, les révèlent à eux-mêmes, les poussent dans leurs retranchements et leurs contradictions. Avec finesse, amour et lucidité, ces femmes lumineuses se passent le relais, parfois se sacrifient, dans la construction de ce qui fait d’eux des hommes, des pères et des fils.
Sur une bande-originale grandiose qui donne envie de prendre à pleine main sa baguette de chef d’orchestre domestique, Bruno Chiche a osé tordre une thématique éculée pour la faire renaître à la mode contemporaine.
Et il en évite les redondances déjà vues, notamment grâce au regard d’un observateur, qui rythme le film de ses répliques ciselées : le petit-fils incarné par Nils Othenin-Girard. Une troisième génération personnifiée n’hésitant pas à ajouter son grain de curry pour épicer les liens que chacun de ces hommes tisse avec tendresse, malgré tout. Tel père, tel fils ? Peut-être, dans le fond.
MAESTRO(S)
Un film de Bruno Chiche avec Pierre Arditi, Yvan Attal, Miou-Miou, Nils Othenin-Girard, Pascale Arbillot, Caroline Anglade
Au cinéma dès le 7 décembre 2022
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