Et si on se trompait ? Matière inépuisable du vaudeville, la réalisatrice et scénariste Mélissa Drigeard s’attaque à l’adultère croisée en pointant les irrésistibles décalages entre hommes et femmes dans le film Tout nous sourit avec Elsa Zylberstein et Stéphane de Groodt. Le couple, le mensonge, l’âge, Elsa Zylberstein nous en parle en interview.
Quoi ? Elsa Zylberstein trompe son mari ? Mais c’est qui son mari ? Et puis, elle a quel âge Elsa Zylberstein ? Parce qu’elle pourrait sans problème être avec un homme plus jeune… Quoi ? Une cougar ? Tu crois qu’elle a fait de la chirurgie esthétique ? Du Botox ? Mais c’est quoi, toutes ces questions indiscrètes ? De quoi je me mêle ? La vie privée de l’actrice ne nous regarde pas… sauf si c’est au cinéma. Pas besoin de Botox pour illuminer les écrans, Elsa Zylberstein, toute en sensualité, en minauderies coupables et en irrésistibles crises d’apoplexie trompe Stephane de Groodt dans la comédie de Melissa Drigeard, Tout nous sourit.
L’occasion de faire le point avec la tête d’affiche du film qui sait être aussi sexy que drôle, touchante et émouvante, la généreuse Elsa Zylberstein.
Elsa Zylberstein trompe Stephane de Groodt, et vice versa
La femme, le mari, l’amant et la maîtresse. Et puis le père, la belle-mère, les enfants et leurs potes. Quand tous se percutent dans le même espace le temps d’un week-end, c’est voué à l’explosion. Entre mensonges et non-dits, la famille se décompose pour mieux se recomposer à mesure que la vérité entre en jeu. La comédie de Melissa Drigeard s’amuse avec les clichés pour mieux les détourner et en faire des situations pleines de drôlerie et d’amour. Il est question d’âge, aussi, évidemment, du couple qui s’essouffle, qui demande de l’air et de la magie, embourbé en apnée dans le quotidien.
De l’affection, sans doute, mais de l’attention, surtout, les personnages réclament d’être vus, considérés, chacun à sa manière, avec une subtilité qui se devine sous les quid pro quo et les situations vaudevillesques. Elsa Zylberstein excelle par ses envolée coupables et sa volonté (ratée) de passer inaperçue. Parce que quand on trompe, on se cache, non ?
Tout nous sourit
Tout sourit à Audrey et Jérôme. Ils ont trois merveilleux enfants et leurs métiers les passionnent. Le temps d’un week-end, ils partent chacun de leur côté… Avec leurs amants respectifs. Sauf qu’ils ont la même idée : aller dans leur maison de campagne. Quand ils se retrouvent nez à nez, c’est l’explosion. Arrivent alors les parents d’Audrey, puis leurs enfants et enfin sa sœur. Le quatuor n’a pas d’autre choix que jouer la comédie pour sauver les apparences. Mais très vite le vernis et les nerfs craquent…
Elsa Zylberstein : couple, mensonge et cinéma en interview
Nous sommes très heureuses de pouvoir vous parler et vous féliciter pour ce magnifique rôle, vous nous avez fait beaucoup de bien dans cette période morose. Vous faites aussi partie de notre vie depuis longtemps, on vous suit depuis Mina Tannenbaum et vous avez grandement participé à la construction des jeunes femmes que nous étions à l’époque.
Elsa Zylberstein : Merci ! Un peu comme moi. J’avais 20 ans quand j’ai tourné Mina et tout à coup, il y a plein de filles de ma génération… c’est trop beau d’entendre ça…
Pour entrer dans le vif du sujet… Le film Tout nous sourit dépeint une famille moderne à qui tout réussi, vous êtes tous beaux, vous avez des jobs, 2 enfants sur 3 vont très bien. Elle donne une image idéale. Est-ce que vous pensez que cette image de la perfection est un des maux de notre société aujourd’hui ?
Elsa Zylberstein : Oui, c’est très juste. Je n’avais pas pensé à ça. On nous met des challenges. Il faut être parfait, que les enfants performent. D’ailleurs, mon personnage (une journaliste TV) n’arrête pas de dire qu’elle a fait 17% de part de marché. On fonctionne un peu dans le but d’exceller chacun dans ce qu’on fait. Ils donnent d’ailleurs à voir une image de famille un peu parfaite.
Le film joue sur les clichés de l’adultère et notamment que les hommes et les femmes ne le vivent pas du tout de la même manière. C’est extrêmement attendrissant quand votre personnage tient à ne pas être vue au bras d’un autre homme que son mari et en voyant cette scène, on s’est dit que nous ferions exactement la même chose dans la même situation !
Elsa Zylberstein : Évidemment, on n’a pas envie d’être vue ! En plus c’est une journaliste un peu connue, elle a son émission de bien-être, de nourriture, elle ne veut pas être reconnue. Cela dit… Non, les mecs se rendent moins compte, en effet. Un homme qui trompe, il pense qu’on ne le voit pas, c’est surtout ça. Non ?
Est-ce que vous pensez qu’ils sont plus à l’aise dans ces situations ?
Oui, je pense. Malheureusement. C’est pas pour faire… Mais oui. Et puis mon personnage ne l’a jamais fait, c’est la première fois qu’elle prend un amant. Donc, elle s’émoustille elle-même, elle est un peu flattée narcissiquement. En même temps, ça la fait vibrer et en même temps elle n’est pas très sûre d’elle. Elle est fébrile, elle se dit que ça y est, elle est une femme de 40 ans, une caricature. Tout à coup, elle a un recul sur elle-même assez drôle.
D’ailleurs, les femmes dans le film ont besoin de séduire, quelque part. Alors que l’homme séduit malgré lui, il ne fait aucun effort. Elle prépare son week-end avec de jolies petites tenues alors que lui est parfaitement désagréable et ne cherche pas à être aimé ou aimable.
Elsa Zylberstein : Ah, c’est intéressant ça, c’est vrai. Il est déjà gavé. Et pendant le grand dîner, une scène que j’adore, où on découvre depuis combien de temps il bosse avec sa maîtresse, lui, alors qu’à mon avis ça fait bien 4-5 mois qu’ils sont ensemble, lui est déjà dans une espèce de doute. La fille s’accroche vraiment, est tombée amoureuse, quelle galère pour lui ! Il a envie de s’en défaire. C’est un peu la caricature d’un homme qui est tombé dans une histoire dont il ne veut plus vraiment.
Guy Marchand, que nous avons adoré dans le film, le décrit comme un film de femmes de caractère. Et il vous appelle même « la petite monstre », c’est ça ? Est-ce que vous pourriez nous parler de l’autre monstre de talent qu’est la réalisatrice Melissa Drigeard ?
Elsa Zylberstein : Un monstre ! Une espèce de petit génie celle-là ! C’est une fille incroyable d’une maturité et d’une force. Elle n’a jamais écrit et elle en impose. Quand elle ne veut pas un truc, je peux te dire… Melissa a une autorité naturelle assez étonnante et je trouve qu’avec Vincent Juillet son coscénariste ils écrivent très très bien. C’est une galerie de portraits étonnants je trouve. Finalement, on parle d’une famille qui se ment à elle-même, d’un couple qui se ment un peu aussi, comme beaucoup de gens. Ça va parler à beaucoup de gens. Tout le monde est un peu dans des jeux de rôles et ce que j’aime bien dans le film c’est que c’est le week-end où tout craque. Tout pète. Et c’est la vérité qui leur saute au visage.
Ils ont un vrai sens du rythme dans les dialogues, pas une injure, pas un mot ne tombent à côté.
Elsa Zylberstein : C’était extrêmement bien écrit. Comme une sorte de pièce de théâtre, presque. Il y avait un côté brillant dans l’écriture. Et je trouve que ça parle vraiment de la dualité, de l’ambiguïté qu’on a tous en nous. Je le trompe, je suis toute contente d’aller m’éclater avec mon amant et dès que mon mari débarque je cours, je suis en larmes et je lui dis que je l’aime. Je trouvais important de demander à Melissa si mon personnage aimait encore son mari et la réponse était oui. Et c’est plus intéressant. Sinon il n’y a pas de film, elle ne l’aime plus, on fait ce qu’on veut. Je trouve ça beau qu’il y ait encore un attachement, que ce couple soit comme un chat et une souris dans un bocal en train de se piquer. Au travers du groupe, ils font un bilan de leur vie en plein week-end avec tout qui pète. C’est le côté humoristique du film. Et profond à la fois.
Et c’est salutaire pour elle.
Elsa Zylberstein : Totalement. C’est comme s’ils étaient allés tellement loin dans les mensonges et les faux-semblants que tout éclate ce week-end-là. Elle a presqu’oublié de faire un bilan de sa propre vie et a envie de tout rembobiner, elle n’en peut plus. Les dégâts sont là et le mal est fait. Il faut recréer, autre chose, sur des cendres, sur des mensonges et des tromperies. C’est là où c’est intéressant et c’est là où le film est très profond sur le couple.
Est-ce que vous pensez qu’on doit forcément mentir quand on aime ?
Elsa Zylberstein : (Silence) Oui. (Rires) J’ose le dire. Oui, je pense. Mais même des petits mensonges. Des fois ce n’est pas bien de tout dire à l’autre. Après, bon, si on veut tromper c’est encore autre chose. Si tu trompes l’autre, à toi de t’interroger où tu en es dans ta relation. Parfois il y a des tromperies salutaires. Mais c’est un jeu avec le feu dont je ne préférerais pas juger ni parler. D’autres types de mensonges, des fois ça fait du bien. Pour s’échapper, on n’est pas obligé de tout dire, je pense.
Il est justement question de mensonge et de vérité dans ce film, quel est le plus gros mensonge de votre vie ?
Elsa Zylberstein : Le plus gros, je ne sais pas. Je me rappelle que je n’avais pas dit à mes parents… J’étais amoureuse d’un garçon, j’étais partie en vacances en voiture avec des copines dormir à Avignon alors qu’on était à Nîmes en vacances. C’était la première fois de ma vie que je restais dormir quelque part sans leur dire. C’est le souvenir d’un grand mensonge quand même. Ah, j’en ai fait d’autres…
Elle le sait votre maman maintenant ?
Ils le savent, oui, je leur ai dit.
Entre la Mytho du soir et le Roi du jeu de mot, comment s’est passée votre rencontre et le tournage avec Stéphane De Groodt ?
Elsa Zylberstein : Super bien ! On n’a pas du tout la même manière de travailler. Stéphane vient aussi de la Ligue d’Impro donc c’est un partenaire très spontané. Il est très malin, très rapide, il sent les trucs. C’est très agréable de jouer avec lui. Il est très réactif. Dès que tu fais une proposition, il va rebondir. Il ne va pas dire : « Attends, ce n’est pas comme ça qu’il fallait le faire ! ». Il est vachement pep’s, il est là, il est juste.
La réalisatrice Melissa Drigeard n’a pas dû trop vous retenir.
Elsa Zylberstein : Des fois elle nous cadrait. Elle disait « non, non, non » à Stéphane quand il partait trop… (Rires) Mais non, pas trop. Et pourtant elle a un caractère très fort et elle sait exactement ce qu’elle veut.
Ça se sent.
Elsa Zylberstein : C’est une fille très forte, je trouve. Très intelligente.
2020 était une grande année pour vous, malgré tout. Vous êtes dans beaucoup de projets, c’est agréable et positif de le dire pour cette année-là… Vous jouez Simone Veil dans le prochain Olivier Dahan qu’on attend avec impatience. Est-ce que vous avez eu des appréhensions à l’idée d’incarner une telle femme, même si vous avez d’ores et déjà joué des figures de grande ampleur ?
Elsa Zylberstein : Évidemment. Ça aurait été bête de ne pas en avoir. C’est normal d’en avoir. Et en plus, d’incarner Hannah Arendt au théâtre, ça n’a rien à voir avec incarner Simone Veil au cinéma. C’est vertigineux de s’attaquer à ça.
Elsa Zylberstein incarnant Simone Veil dans le film D’Olivier Dahan
Et est-ce difficile de se séparer d’un tel « personnage » ?
Oui. J’ai eu du mal à la lâcher. Je l’ai vraiment intégrée.
Est-ce que, pour terminer, vous pourriez nous dire un petit mot d’Action Innocence ?
Elsa Zylberstein : Ouiiii ! Action Innocence, c’est l’engagement de Madame Wertheimer que j’adore, Valérie. Ça m’a beaucoup touchée, sa bataille pour que les jeunes ne soient pas harcelés ou salis ou brutalisés par les réseaux sociaux. C’est un boulot exceptionnel. Je suis devenue leur marraine il y a 3 ans, on a fait des Galas de charité pour récolter des fonds et c’est une magnifique expérience de travailler à ses côtés. Son engagement et son émotion quand elle parle de ça et du coup, moi aussi je m’y suis intéressée. Et quand tu vois ce qui arrive à certains enfants, certains jeunes, c’est épouvantable. Quand ça arrive au suicide, que tu entends certaines choses, ça fait froid dans le dos. Alors j’ai eu envie de l’aider. Voilà.
Et quand on voit déjà nous, comme les réseaux sociaux peuvent être brutaux et dangereux. Quand tu es un enfant, une jeune fille, tu ne vis plus que par ces réseaux sociaux, je trouve ça terrible.
Tout nous sourit
Un film de Melissa Drigeard avec Elsa Zylberstein, Stephane de Groodt, Guy Marchand, Anne Benoît, Emilie Caen, Karidja Touré, Giovanni Cirfiera
En salle dès le 20 octobre 2021
Photos ©Pathé Films Distribution