L’histoire, c’est la sienne. Celle d’une famille qui dérive, qui plonge, dirait-on. Dans l’eau ? Peut-être celle du bénitier. Sarah Suco a grandi dans une secte. Elle en fait une histoire, une fiction, une fable. Les Éblouis raconte la fragilité des adultes. Il raconte aussi la force de l’enfance. La résilience et le courage face à l’illusion, à l’éblouissement des gourous et autres charlatans croquemitaines. La comédienne désormais réalisatrice pose son regard bleu clair sur les failles humaines sans manquer d’esprit et de maturité. Elle fait un petit tour dans notre JJSphere pour en parler avec humour, décontraction et un petit je ne sais quoi qu’on pourrait nommer brin de folie délicieuse. Découvrez notre interview en son et en image. C’est moderne la JJTV !
L'interview éblouissante de Sara Suco
Éblouis par une secte
Pour son premier long-métrage, Sarah Suco s’attaque à un monument aussi personnel et compliqué à traiter qu’il est tabou et insidieux. Les écueils possibles sont nombreux : trop sombre, trop critique, trop anti-catho, trop pro-catho, trop trop trop. Cependant, sa connaissance intime du sujet lui donne les ailes et les nuances nécessaires pour éviter le manichéisme et les raccourcis. Même la distance, qu’elle aurait pu ne pas avoir. Avec intelligence, elle ne fait pas de ce film un brûlot, une vindicte contre l’église, mais un drame familial savamment dosé.
Les images ternissent les visages au fur et à mesure que le film avance. Du gris, du brun, mais pas de noir, jamais de noir. Ça serait trop évident. La lumière qui subsiste provient des bougies, qui dansent. Leur proximité est accueillante, conviviale, généreuse. Mais peut-être ne faudrait-il pas les regarder trop intensément, de peur d’être aveuglé, ébloui, entraîné dans leur chaleureuse beauté.
Un casting cinq étoiles
Camille Cottin et Jean-Pierre Darroussin étonnent là où on ne les attend pas. Avec subtilité, elle est fragile et il est détestable. Des personnages en oxymore soutenus par l’ambiguïté démissionnaire d’un père de famille interprété par Éric Caravaca, parfait. La secte est habitée par des ombres qui se persuadent qu’elles vivent pleinement, des brebis égarées qui suivent leur berger. Comme Marie-Laetitia, perdue, dont la bonne humeur candide cache une solitude et un désarroi palpable, incarnés avec justesse par Suzanne De Baecque.
Néanmoins, malgré le talent de ces stars connues et reconnues, c’est une demoiselle nommée Céleste qui crève l’écran. Un prénom qui semble prédestiné pour une jeune comédienne lumineuse.
Elle est de presque tous les plans, fil rouge de cette histoire, qui se construit comme une métaphore de l’adolescence. Camille, l’aînée du couple Cottin-Caravaca, vacille entre fidélité à ses parents, à son enfance, et besoin d’émancipation. Ce dernier, soutenu par son incompréhension de la communauté qui finit par engloutir sa famille, son rejet, le courage que les adultes n’ont pas. L’obligation de grandir.
Sarah Suco réalise un film qui soulève questions et peurs, révolte et dégoût, tout en donnant force et foi, espoir. Comme quoi, il est possible de traiter un sujet grave, tout en étant léger. D’être érudit tout en étant allumé. D’être aveuglé tout en étant ébloui. Restent les billes bleues de Camille. Et celles de Sarah.
Les Éblouis
Un film de Sarah Suco avec Camille Cottin, Céleste Brunquell, Jean-Pierre Darroussin, Éric Caravaca
Sortie en salles le 20 novembre 2019