Deux singles assortis de clips vidéos : Little Bird et Come Back to Me. Et puis un album, Elior qui fait sa grande entrée dans les oreilles du monde le 7 octobre 2022. De la scène et du cinéma pour couronner le tout. Roxane Arnal cumule les talents avec charme, intelligence et discrétion, elle nous fait l’honneur de nous inviter chez elle pour une interview en toute intimité.
Quand les différences s’ajoutent plus qu’elles ne s’opposent, elles visent à surprendre, à bousculer, sans pour autant dissoner. Une formule savamment maîtrisée que la musicienne et chanteuse Roxane Arnal compose avec son complice Baptise Bailly. Le résultat, un album qui se déguste avec gourmandise au nom qui roule sur la langue comme un soleil : Elior. L’accomplissement d’un EP aux sonorités espagnoles, Doorways, une réussite mélodieuse et étonnante, un rêve cosmique en plein hiver devenu réalité.
« La chanson Elior est un petit être sorti de mes rêves dans la nuit du 18 au 19 Février 2021. La sonde ‘Persévérance’ venait de se poser sur Mars et ma conscience d’humaine est venue se confronter à mon inconscient. Elior a réveillé la dualité que procure le progrès : l’excitation et le rejet, l’attirance et la peur. Impuissante, j’ai fait ce qui m’a paru le plus juste : une chanson à travers laquelle mes mots résonnent.»
Un duo envoutant pour un voyage en 12 titres
Les doigts de Baptiste volent sur le piano dans des prouesses musicales jazz aux accents du sud que Roxane soulève d’une lame de fond blues et folk, de sa voix d’ange qui, tout à coup, peut racler avec force, rugueuse, puissante, sablonneuse, déplacer les rochers du Grand Canyon pour les faire voler dans un ciel sans nuage. Country ? Rock ? Peut-être. Des tableaux qui nous emmènent tout en finesse, chacun à sa manière, dans un univers pluriel et virtuose fait de poésie et de couleurs lumineuses ? Certainement. L’album Elior est un voyage, assurément. Surprenant. Enrichissant. Jouissif.
Accompagnés des musiciens Antony Gatta (batterie) et Clément Faure (guitare & basse) et puis du réalisateur britannique Duncan Roberts, Roxane Arnal et Baptiste Bailly transcendent leurs compositions pour atteindre de nouveaux sommets. Explorations qui sortent des chemins tracés et confirment ce que nous savions déjà : ils ont un talent fou.
Et si nous en discutions avec la fée, l’elfe des bois aussi douce que rock qui a donné naissance à cet objet hybride et à nul autre pareil ? Roxane Arnal nous accueille chez elle pour un entretien privilégié. Interview.
Bonjour Roxane ! Merci de nous recevoir. Pour commencer notre question rituelle : pourriez-vous vous présenter à votre manière ? Vous avez carte blanche…
Roxane Arnal : Bonjour ! Je m’appelle Roxane Arnal, j’ai 27 ans, je suis musicienne et comédienne.
Nous avions déjà eu le plaisir de discuter avec vous pour la sortie du précédent EP Doorways. Quel est la particularité de cet album ELIOR, à paraître, et des singles qui en sont extraits ?
Roxane Arnal : C’est encore un projet en collaboration avec Baptiste Bailly, mais ce sont différents musiciens qui nous accompagnent cette fois. Le précédent projet était très « espagnol », depuis nous avons remis notre petit drapeau sur la France et c’est un groupe français qui joue avec nous. Donc, on a complètement réenregistré 4 titres de l’EP Doorways avec cette nouvelle équipe auxquels nous avons ajouté d’autres morceaux. Nous voulions nous tourner vers le blues à travers des univers bien différents. Baptiste et moi venons plutôt instinctivement du jazz, or les nouvelles mélodies sont assez pop. Il en ressort un genre de « Kate Bush » moderne, un petit peu.
C’est totalement dans l’air du temps !
Roxane Arnal : Tout à fait ! Je suis tellement moderne ! (Rires)
Le premier titre Little Birds est sorti le 10 juin 2022 et le deuxième single Come Back To Me reprend une chanson que nous avions créée comme ça à la maison et qui sort avec de beaux enregistrements et tout l’orchestre. L’album Elior sortira le 7 octobre 2022.
Et l’influence espagnole a disparu ?
Roxane Arnal : Les arrangements sont quand même restés pour certains titres mais sinon, effectivement, on est passé à autre chose. Là-bas (à Valence) on a appris tout l’amour de la musique qu’on garde au fond de notre cœur pour le faire exploser comme un grand soleil. Ça, on va le garder.
La période de pause forcée que nous avons eue m’a permis une forme d’introspection et de travailler sur des aspects que je n’avais jamais le temps d’explorer. Ce métier c’était tout le temps : voyager, revenir, voyager, revenir… Faire ses réseaux, appeler les organisateurs de concerts, etc. On est moins disponible dans l’esprit pour prendre le temps de lire, d’approfondir des sujets qui nous intéressent. Du coup, j’ai grandi d’une façon particulière.
Aussi, j’ai été blessée au bras pendant le confinement, ce qui m’a permis de grandir artistiquement sans mon instrument, ce qui n’était pas évident. Parce que je m’identifie beaucoup à la guitare et à la contrebasse. Le problème est toujours là, causé par ma première côte qui appuie sur un nerf du bras, mais maintenant je sais comment faire avec, comment porter et moins me faire mal. Le destin m’a envoyé un message, peut-être (Rires).
C’était donc doublement pas comme d’habitude !
Roxane Arnal : C’est vrai ! Et puis, la première côte c’est aussi la respiration donc le chant va aussi me faire mal au bras. Je dois alors utiliser tout un tas de techniques. Parce que c’est relié à l’estomac et au diaphragme aussi. Une rééducation a été nécessaire avec un ortophoniste, d’alimentation, etc. Sinon, concrètement, j’ai imaginé un projet de seule en scène sans instrument qui s’appelle Le Chaton qui vivait chez un ogre, qui aborde les violences familiales, pour les enfants. Avec ça, je me suis totalement épanouie, j’ai pu danser, chanter. Et je me suis dit : « Wouah ! J’adore faire ça aussi ! »
Autrement, sur scène pour l’album avec Baptiste (Bailly), j’ai complètement lâché la guitare acoustique et j’ai commencé la guitare électrique. Je ne connaissais pas, mais c’est beaucoup plus léger, beaucoup plus doux et surtout ça me permets de faire uniquement de petites notes de temps en temps. Et si ça ne va pas, je lève la main. Je suis en train de développer l’aspect solo dans le projet, que je n’avais pas tout à fait mis en valeur encore. Et j’aime bien ! Ça donne un petit côté rock n’roll sur scène qui est bien sympa !
L’album sort dans quelques jours à peine… Plus d’inquiétude ou de réjouissance ?
Roxane Arnal : Plutôt réjouissance. Parce qu’il a pris du temps à sortir ce bébé. Donc, je suis contente, notamment du parcours qu’on a eu autour de cet album, des étapes que je n’avais jamais vécues au cours des autres enregistrements. Et je me dis que j’ai fait mon job. Ça y est, c’est fait ! J’ai trop hâte d’avoir les retours. Il ne me reste plus qu’à savoir si c’est partagé et reçu de la même façon.
Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans la vie ?
Roxane Arnal : Je suis un peu une anxieuse de base. Tout et pas grand-chose. Au final, les petits détails peuvent m’inquiéter et les énormes trucs ne m’inquiètent pas. Puisque je suis tellement habituée à m’inquiéter. Je ne sais pas comment l’expliquer (Rires). C’est aussi un super pouvoir d’être anxieux. Il suffit juste de savoir travailler avec.
Sans transition… À côté de la musique et de la scène, vous avez aussi été remarquée dans le dernier film de Quentin Dupieux, Incroyable mais vrai. Comment est-ce qu’on entre dans cet univers si particulier, comment est-ce qu’on s’y fait et comment est-ce qu’on s’y sent bien ?
Roxane Arnal : En fait, on met le pied sur le plateau et c’est fini. Le monde de Quentin est tellement transparent, généreux, qu’il pénètre dans tous les pores de notre peau et la question ne se pose pas. C’est vraiment de l’absurde décontracté et décomplexé. Et on y croit grave. Chaque scène est pour lui une occasion de se marrer et d’aller au bout des choses, de s’amuser dans les émotions, dans tous les petits détails qui font plaisir.
Et quand en tant que comédienne et en tant que femme on vous dit que vous allez incarner Léa Drucker jeune, on le prend comment ?
Roxane Arnal : J’ai déjà eu un peu la même chose avec Isabelle Carré (en interview vidéo pour JJSphere ici) pour Un Adultère où la volonté du réalisateur était de retrouver la même femme en plus jeune. C’est assez impressionnant parce que c’est une femme que j’admire beaucoup et dont j’admire le parcours. Ensuite, c’est aussi très intéressant de se dire que je dois totalement effacer ma personnalité et me focaliser uniquement sur toutes ses mimiques. De base, on nous sélectionne parce qu’on se ressemble mais dans le fond on n’a pas non plus les mêmes façons de fonctionner. Le petit rictus, la manière de respirer, il y a plein de choses qu’on va identifier. Du coup, c’est un travail d’introspection pour détecter nos différences et imaginer comment on va les jouer.
Vous avez travaillé ensemble ?
Roxane Arnal : Pas vraiment non. Plutôt avec mon ordinateur et mon miroir. Je mettais pause, je reproduisais. C’était drôle. Et sur le tournage, Quentin me montrait de petites scènes qu’ils avaient montées et cherchait à créer un miroir avec mes scènes à moi, je devais choper certains détails, je regardais et puis j’allais sur le plateau ensuite. Mémoire tampon. Tac Tac !
Qu’est-ce que vous auriez envie de lui dire, à Léa Drucker ?
Roxane Arnal : Je crois que je ne l’ai pas remerciée. Tout simplement. Parce que, même si on ne tournait pas ensemble on se croisait sur le tournage et elle était très généreuse et encourageante. Mine de rien, elle m’a beaucoup inspirée pour la suite, dans ma façon de jouer.
Et pour rester dans cet univers où l’absurde est roi… Pour quelle raison est-ce qu’on pourrait vous prendre pour une folle ?
Roxane Arnal : Dans mon entourage professionnel, on me dit que je suis trop perfectionniste. Genre, j’entends des trucs que personne n’entend. Alors parfois on me prend pour une folle. Sinon, pour en revenir au thème du film de Quentin Dupieux, j’ai une notion de temporalité assez étrange que les gens ne comprennent pas trop. Une temporalité élastique où une heure peut être une journée, une journée peut être cinq jours. Et puis j’ai de moins en moins de mémoire récente. Je vais me souvenir de mes 5 ans mais pas d’hier ou d’avant-hier.
Et si vous passiez par une trappe, un tuyau temporel, ça serait pour aller où et quand ?
Roxane Arnal : Un peu partout (Rires). Je ne parle pas de ma vie, mais de l’histoire de la Terre et toutes les époques sont intéressantes à vivre. J’ai l’impression que plein de choses se répètent et qu’il serait intéressant d’aller juste choper l’essence de tout ça pour essayer d’améliorer les choses. Même si… c’est un leurre.
Donc vous reviendriez, à chaque fois.
Roxane Arnal : Quand même. Parce que j’ai une affinité avec les personnes avec lesquelles je vis. Donc j’aurais envie d’améliorer leur quotidien et donc de revenir ici et maintenant. Mais ça serait quand même un truc un peu politique, engagé. Même si je ne suis pas certaine d’avoir la force de le faire à temps plein (Rires).
Et si vous étiez devant votre miroir, Roxane Arnal… le temps d’un JJQuiz
LE JJQUIZ MIROIR DE ROXANE ARNAL
Comment est-ce que vous vous trouvez aujourd’hui ?
Bien. (Rires)
Quelle est la phrase « bijou » que vous vous dites devant la glace ?
En général, en parlant de temporalité de nouveau, quand je regarde mes yeux, je me vois à tous les âges. C’est un peu ça que je fais quand je me regarde dans le miroir. Je me connecte à la Roxane de tous les âges. (Rires) Super intime ! Quand on se demandait quand on pouvait me prendre pour une folle, voilà l’explication ! Voilà…
Qu’est-ce qui vous sublime ?
L’amour.
Et qu’aimeriez-vous changer à votre reflet ?
La peur.
À qui est-ce que vous ressemblez ?
À ma sœur.
À qui aimeriez-vous ressembler ?
À moi-même. Celle que je n’ai pas encore tout à fait découverte. Genre à 30 ans, l’âge accompli, quand on se dit « j’ai compris ».
Le miroir pendant l’amour : érotique ou glauque ?
Plutôt érotique.
Et que vous diriez-vous à vous-même, enfant ?
(Rires) Là on va vraiment me prendre pour une dingue ! Non. Je lui dirais juste : « C’était bien. Tu as tout compris, continue comme ça. »
Devant la glace : seule ou à deux ?
Seule c’est cool. C’est un moment d’introspection et de mise à jour. Ceci-dit, dans le film de Quentin on se regarde beaucoup dans le miroir et c’est très perturbant de se mater dans la glace et d’avoir toute une équipe qui te voit te regarder. Même Léa (Drucker) était perturbée par cette scène. C’est monstre bizarre parce que c’est quelque chose qu’on fait tout seul normalement.
Et pour terminer : un mot au lipstick pour votre public ?
Laissez-vous aller ! On ne le fait pas assez en ce moment dans notre société de contrôle.
ROXANE ARNAL
© 2022 Dixie Frog / Pias Photos © Gwen Cahue / Yann Charles