Daniel Pennac est un rêveur. On s’en doutait. Il nous offre le plaisir de vérifier notre intuition avec un nouvel ouvrage sorti le 3 janvier chez Gallimard. La Loi du rêveur, c’est avant tout un encouragement de son auteur, comme une douce invective malicieuse, à prendre religieusement note de nos rêves, dès le réveil. Religieusement ? Transcender son inconscient, en récolter les images pour leur donner des couleurs réelles, est une activité qui flirt avec le rituel sacré, oui.
Et quelle joie, chaque fois, de retrouver Daniel Pennac ! Celui qui a ravi nos heures de lecture, à tel point que nous étions un membre à part entière de la famille Malaussène. Lui, que nous rêvions d’avoir comme professeur de français. Qu’il nous encourage à lire à voix haute. Et puis qu’il nous attende, bâton à la main, derrière la porte dérobée de la facilité littéraire. Pour nous interdire le “truc du rêve”.
Pennac, marchand de rêves
Et pourtant, hôpital qui se fout de la charité, qu’est-ce qu’il en use et en abuse, lui, de ses voyages oniriques ! Il s’en inspire, s’en frotte les mains, les rend tangibles. Déroule le fil rouge littéraire né de la réminiscence matinale de ses aventures nocturnes. À travers ces quelques pages, dévorées dès leur sortie, il nous montre un peu le chemin tortueux mais bordé de lumière de ses rêves. De la vie riche qu’il mène les yeux fermés et cela depuis sa plus tendre enfance.
Rêver c’est vivre
Tout le monde rêve. Ne pas rêver c’est mourir. Il y a ceux qui rêvent et s’en souviennent. Les malheureux qui ne font que des cauchemars. Il y a ceux encore qui pensent n’avoir accès à aucune image, à aucun scénario nocturne. Daniel Pennac fait partie d’une catégorie, peut-être trop peu nombreuse, qui prend ses rêves au sérieux. À l’instar d’un homme qu’il admire et dont il raffole du travail, Federico Fellini. Le cinéaste est partout dans ce roman. Il souffle sur les mots, les peint du bout de son pinceau, les illumine de ses histoires, anecdotes truculentes glanées aux portes du studio 5 de Cinecittà.
Une histoire de famille, une histoire d’amitié, une histoire d’électricité. Impossible de dévoiler l’intrigue de ce roman qui, comme le dit Pennac, est un livre à suspense sans péripéties, cela vous gâcherait le plaisir de découvrir quelques méandres du cerveau génial de ce rêveur invétéré.
Il faut toujours avoir un Pennac dans sa vie
De l’aube au crépuscule de sa vie, le fantaisiste Daniel Pennac nous prend par la main pour nous faire voyager dans ses existences, entre souvenir, rêve et réalité. Ne sachant jamais où se situent les frontières entre chaque dimension, nous sommes délicieusement perdus dans l’imagination de l’auteur. Impossible de démêler le vrai du faux, nous doutons de tout. Autobiographique ? Inventé ? Prémonitoire ? Le livre l’est un peu, puisque Monsieur Pennac montera sur la scène du Piccolo Teatro Strehler de Milan pour une fresque en hommage à Fellini mise en scène par Clara Bauer le 20 janvier 2020, comme il l’ébauche, dans un rêve.
Nous ne pouvons que vous conseiller de vous jeter à corps perdu dans ce livre, comme dans tous les autres, de cet auteur qu’on adore. Drôle, malin, intelligent, poétique, tout en étant facile à lire. Comme une friandise. Se lover confortablement, fermer les écoutilles qui nous relient au réel et se plonger (sous marine) dans les mots et les images de Daniel Pennac. Le paradis ? Pas loin… un rêve éveillé.
Et pour terminer, comme c’est la saison des voeux, nous ne pouvons que souhaiter à Daniel Pennac de préserver à tout prix ses heures de sommeil en 2020 !
