Le photographe Morgan Palun photographie des décors, des gens, des meubles, des mains, des amoureux, des paysages. Et des chiens. Des chiens abandonnés, des Maudits Clébards qui nous regardent dans les yeux. Un projet qu’il fait bénévolement depuis plusieurs années après avoir été témoin d’un abandon particulièrement cruel. Portrait d’un artiste d’images et de cœur.
À l’instar de la performance de l’artiste Marina Abramovic, qui consistait à faire face à ses visiteurs, l’un après l’autre, les yeux dans les yeux, et à laisser monter l’émotion comme une vérité, Morgan Palun invite par ses photographies à se plonger dans le fond de la pupille des pensionnaires de la SPA. Pas facile de regarder un chien dans les yeux. Il détournera le regard, sera attiré par autre chose. Le défi du photographe est alors de capturer cet instant infime où l’animal fixe le viseur, où son regard va être saisi à jamais par l’appareil. Ensuite, impossible de ne pas être ému par l’intensité de ces regards. Et c’est le but. Remuer l’insensible. Secouer l’indifférence.
Qui est Morgan Palun, photographe de mains et de chiens… entre autres ?
L’histoire de Morgan Palun n’est pas extraordinaire en soi. Photographe talentueux d’Avignon (ce qui n’est déjà pas banal ni donné à tout le monde, on vous le concède), il capture des moments de vie, des visages, des meubles et des décors ou se lance dans des projets plus personnels, plus conceptuels parfois. En bref, il vit sa vie d’artiste. Son premier appareil photo en main à 15 ans, baigné dans un univers artisanal de créateurs, il fait ses armes en réalisant la mise en valeur des produits de ses parents, restaurateurs de meubles anciens. Depuis, il est mordu de clichés…
Or, n’est pas photographe de cœur qui veut. Saisir l’émotion pour la retranscrire dans une image figée, c’est la magie qui pourrait s’appeler talent. Ou générosité. Parce qu’on ne donne pas d’émotions avec un cœur froid. Morgan est passionné par les mains, témoins et actrices de l’histoire de l’humain à qui elles appartiennent. Comme des tableaux biographiques. Les mains, miroirs du corps, et puis les yeux, ceux de l’âme. Mais pas les yeux des humains cette fois. Ceux des chiens. Un projet qu’il réalise quand ses voyages le permettent, bénévolement, depuis que le sien de chien, a littéralement atterri dans sa vie. Maudits Clébards.
Maudits Clébards : des yeux de chiens pour des cœurs humains
Un jour, sur la route, Morgan Palun assiste à l’abandon d’un chien, jeté par la fenêtre de la voiture en marche qui le précède. Halluciné par ce geste (on le serait à moins) d’une cruauté et d’une violence sans borne, non seulement il soignera et adoptera le chien en question, mais il décidera de se mettre au service de ces animaux victimes de la lassitude et de la négligence des hommes.
Ainsi, Morgan travaille gratuitement pour la SPA et tire le portrait de ces chiens qui cherchent un foyer. Les cabossés qui attendent derrière des barreaux qu’on veuille bien les remarquer. C’est pour ça qu’ils nous regardent droit dans les yeux. Morgan réussit effectivement à photographier le chien quand celui-ci fixe l’objectif. Pas une mince affaire. Mais le résultat est édifiant. Et comme toujours, les images parlent mieux que les mots…