Dès le 3 décembre débarque sur les écrans la série Cellule de crise, une plongée dans l’univers d’une organisation humanitaire. Aide et revers. Pile et face. Isabelle Caillat donne la réplique à André Dussollier que nous avons rencontré au moment du tournage de la série à Genève. Interview.
Son visage est aussi familier que celui du tonton Jules. Celui qu’on admire parce qu’il a du talent et le verbe étincelant. Celui qu’on aime bien parce qu’il a l’oeil malicieux et le sourire bienveillant. Si une madeleine de Proust pouvait parler, elle aurait la voix d’André Dussollier. Entre l’aventure de Becker et le neurasthénique de Jeunet – il y a des mots comme ça qui résonnent et marquent plus que d’autres – il sait raconter des histoires. Nous étions donc absolument ravies de l’accueillir dans la JJSphere à l’occasion du tournage de la série Cellule de Crise, une nouvelle histoire passionnante que nous nous réjouissons de découvrir.
Pendant un moment privilégié avec une vue à 360° sur Genève, André Dussollier nous parle de la vie, des ses amours, de ses envies. Du tournage de la série Cellule de crise, sous la direction de Jacob Berger, dont il campe l’un des personnages principaux aux côtés d’Isabelle Caillat. Et puis de son attachement à Genève, à sa région frontalière où il a passé son enfance.
Monsieur André Dussollier a fait un petit tour dans le monde des JJ, le temps d’une interview. Play.
L’interview d’André Dussollier made in JJTV
Cellule de crise dans l’univers des ONG
Jacob Berger réalise la série télévisée Cellule de crise, qui sera diffusée sur la RTS (Radio Télévision Suisse) dès le 3 décembre 2020. André Dussollier donne la réplique à Isabelle Caillat qui incarne la directrice d’une ONG qui va devoir faire face aux difficultés politiques et morales d’une telle position.
Les 6 épisodes de 52 minutes dévoileront les dessous et les travers pas toujours reluisants de l’univers des ONG humanitaires, dont Genève est la capitale internationale. La série joue avec les mailles du pouvoir, entre idéalisme bafoué et ficelles corrompues, dans un thriller porté par des personnages nombreux et complexes. Addictif.
L’interview d’André Dussollier… en intégralité
JJSphere : Bien que vous soyez connu comme le loup blanc, est-ce qu’on ose vous demander de vous présenter, comme il vous sied de le faire aujourd’hui ?
André Dussollier : Je décline mon identité, c’est ça ? Alors, Dussollier, c’est mon vrai nom. André, c’est mon vrai prénom. Il n’est pas formidable mais enfin, c’est un prénom qui appartenait à la génération de… quand je suis né. Je suis né à Annecy, pas très loin d’ici. J’ai vécu longtemps à Cruseilles, qui est un village à mi-parcours entre Annecy et Genève. J’ai fait mes études à Saint-Julien-en-Genevois, où je croisais parfois des Genevois qui venaient faire leurs études en France. Et puis voilà.
C’est une région qui m’est assez familière et en même temps très étrangère. Parce que Genève pour moi, ça a toujours été une capitale mondiale, européenne. J’avais l’impression de ne jamais pouvoir connaître vraiment de Suisses. Il y avait tellement de populations différentes ! Alors de temps en temps, j’ai eu le privilège de venir pour assister à un concert. Si je vous dis : Ernest Ansermet, ça ne vous dira peut-être pas grand-chose… C’est un grand chef d’orchestre. Au Grand Théâtre de Genève, j’y suis venu comme ça de temps en temps.
Sinon, j’ai l’impression de découvrir Genève maintenant, en tournant cette série qui s’appelle « Cellule de crise ». On est allé dans le vieux Genève et il y a de magnifiques endroits.
JJSphere : Quand vous avez lu le projet de la série « Cellule de crise », pourquoi vous a-t-il particulièrement séduit ?
André Dussollier : Quelque fois, quand il y a de bons scénarios, de beaux personnages, on ne peut pas passer à côté. Le projet m’a été proposé par Jacob Berger (le réalisateur). C’est une série qui a été initiée par des producteurs, Gérard Monier et Francine Lusser. Et puis la RTS s’est lancée à fond dans cette histoire, dans cette série de 3 fois une heure.
Elle raconte la vie d’un grand organisme humanitaire – on ne dira pas de nom – et qui raconte beaucoup de choses de la Suisse, comme souvent c’est le cas dans les séries qu’on fait dans les pays et qui creusent en profondeur et révèlent des choses qu’on connaît mal. Surtout en Suisse ! C’est toujours un peu discret… bon… Il y a une neutralité à laquelle les Suisses tiennent beaucoup. A fortiori dans un organisme comme ça, qui a un rayonnement mondial et qui ne peut pas forcément…
Là c’est raconté à la télévision, dans une histoire, donc c’est une révélation pour les spectateurs. Et puis, l’histoire est très scénarisée. C’est d’ailleurs presque politique. Il y a beaucoup de personnages et il y a beaucoup de choses qui sont évoquées. À la fois, la vie à l’intérieur de cet organisme humanitaire et puis la vie dans les pays où les populations souffrent de maladies ou sont sous les bombes, etc., comme c’est le cas aujourd’hui, et où les humanitaires en question vont, sur le terrain pour leur venir en aide.
JJSphere : La série s’appelle « Cellule de crise ». Vous, personnellement, comment est-ce que vous gérez une crise ?
André Dussollier : Ah ! Bonne question ! Ah lala… J’aimerais pouvoir être toujours zen et serein. Mais ce n’est pas toujours évident (rires) ! Et pourtant c’est bien ça qu’il faut avoir comme sentiment vis-à-vis d’un moment de crise. Avoir la bonne hauteur. Mais quelquefois, on n’a pas le choix, quoi. C’est épidermique. J’ai l’air un peu calme, comme ça, c’est un peu ma nature. Je n’aime pas les conflits, je n’aime pas la violence. Mais dans la vie, il y a des moments où vous n’avez pas le choix. Où vous avez des pulsions difficiles à contrôler.
JJSphere : Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui on peut encore être idéaliste ? À l’image du personnage d’Isabelle Caillat au début de la série « Cellule de crise ».
André Dussollier : Je l’espère, oui. Oui, j’y crois quand même. Parce que la planète est en danger, on en parle beaucoup. Je vois bien les nouvelles générations qui sont vraiment très attentives. Moi j’ai deux enfants de 31 et 27 ans qui sont très sensibles à ce problème écologique. Donc, on peut être idéaliste, changer notre manière de vivre, et peut-être aussi le système dans lequel on vit qui n’est pas forcément le meilleur qui soit.
Le monde en a utilisé beaucoup, des systèmes politiques. Mais là vraiment, je pense qu’on arrive au bout du bout d’un système qui fait que l’humain n’a plus tellement la possibilité d’exister pour son propre compte. Il est vraiment au service d’une économie. J’ai l’impression qu’on dépend d’une économie mondiale, qu’on est un peu ses esclaves et qu’on se perd, qu’on s’émiette, qu’on perd sa vraie identité. C’est un peu le combat des générations futures.
JJSphere : Et votre combat à vous, André Dussollier, quel est-il ?
André Dussollier : Alors, évidemment, mon combat… Il y a une passion qui s’est déclenchée comme ça, quand j’avais 10 ans à Saint-Julien-en-Genevois, quand un professeur m’a emmené voir une pièce de théâtre. Le monde virtuel, le monde des pièces de théâtre, était tellement plus riche, plus vivant que le monde réel dans lequel je vivais, que ça m’a tout de suite appelé. Tout de suite donné envie.
J’avais le sentiment d’exister davantage dans ce monde-là. Du coup, j’ai voulu, étant interprète, puisque c’est la voie qui s’est imposée à moi, de rôle en rôle dans des histoires inventées par des auteurs, j’ai voulu aller le plus loin possible. Être le plus vrai possible, parce que c’est ce qui m’avait frappé quand j’i vu cette première pièce de théâtre.
J’avais l’impression que tout à coup je pouvais regarder ce qui se passait chez le voisin et qu’il vivait des choses avec beaucoup de vérité. Je pouvais rire, pleurer, me moquer. C’était ce privilège-là qu’on a envie, quand on est acteur, de donner au spectateur. D’être un peu comme un trou de serrure et de montrer un peu comment se comporte « l’autre ».
L’autre auquel on ressemble, auquel on n’a pas envie de ressembler forcément, tous les autres. Et dont on endosse l’apparence ou la réalité souvent, parce qu’on se ressemble tous. On est tous différents et on se ressemble aussi beaucoup.
JJSphere : En parlant de la planète… Qu’est-ce que vous n’arrêterez jamais alors que pourtant, ça la bousille, la planète ?
André Dussollier : Qu’est-ce qui bousille la planète ? Beaucoup de choses… La manière de vivre, bien sûr. La consommation particulièrement, l’économie, la manière d’explorer, d’exploiter. On voit bien les dangers qui nous menacent.
Mais si vous me posez la question comme ça… évidemment… j’arrête tout de suite ! Je n’ai plus envie d’être l’auteur négatif et de bousiller la planète ! C’est horrible ! Non, j’ai envie de la préserver. En plus on est dans des régions ici, avec les lacs alpins, c’est tellement magnifique. C’est tellement beau et exceptionnel, qu’on n’a pas envie de perdre ça.
Je n’ai pas l’impression qu’avec le métier que je fais et la manière que j’ai de vivre, je sois un danger pour la planète. Mais… si, quand même. Je dois y contribuer d’une certaine façon, parce que je consomme comme tout le monde et les effets de cette consommation… On est tellement nombreux ! Il y a tellement de choses qu’il faut cadrer, retenir, faire d’une manière un peu différente ! Et je suis prêt à changer mes habitudes.
JJSphere : Vous avez une filmographie des plus impressionnantes et des plus variées, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir réalisé tous vos rêves ?
André Dussollier : Ce qui est terrible dans ce métier-là, c’est que ce n’est jamais fini. On a toujours envie de jouer un rôle qu’on n’a jamais joué. D’ailleurs, je me suis toujours efforcé de jouer des rôles tout à fait différents. Passer de « Staline » au père de « Tanguy », de « Trois hommes et un couffin » à « Chez nous », qui est un film un peu politique sur l’extrême droite.
J’aime bien les grands écarts. Je suis né un peu, comme acteur en tout cas, quand j’ai vu la génération des acteurs américains qui se métamorphosaient d’un rôle à l’autre. Je trouvais que c’était ça véritablement le plaisir, pour un spectateur, pour moi qui étais dans la salle de cinéma, de voir des acteurs que je connaissais qui étaient vraiment au service du personnage et qu’on ne reconnaissait pas d’un rôle à l’autre. C’est ça vraiment le plaisir.
Alors j’ai l’impression que c’est sans fin, ce plaisir-là. Le cinéma est un art contemporain qui raconte le monde aujourd’hui. Et on a envie, en tant qu’acteur, de donner l’occasion au metteur-en-scène de nous voir un peu différemment. Pas forcément dans le rôle qu’on a déjà joué. C’est pour ça que j’aime bien varier les plaisirs et montrer des facettes un peu différentes à chaque fois.
JJSphere : Vous avez une voix reconnaissable entre toutes, qui a jalonné nos vies et même celle de nos enfants. Est-ce qu’il y a une voix particulière qui vous suit depuis toujours ?
André Dussollier : Oh lala. Oui. J’ai plein de voix. J’ai des voix, comme ça, que j’ai adorées, que ce soit – alors je remonte à Mathusalem – Gérard Philippe ou que ce soit Delphine Serig, même Michel Simon, un collègue suisse. Jean-Louis Trintignant qui a une voix si… et que j’aime beaucoup comme personne. Charles Denner. Enfin, je pourrais citer plein d’acteurs dont les voix m’ont fasciné.
Une voix, ça raconte une personnalité. Je serais incapable de définir la tessiture de sa propre voix, c’est difficile. On ne la reconnaît pas. Et puis je ne suis pas soucieux de ça. Une voix, c’est fait pour être consommée tout de suite. Ça grandit avec vous, ça évolue avec vous et ça raconte votre vie, votre personnalité peut-être au fur et à mesure que vous avancez dans la vie.
Mais il y a des voix, c’est vrai, des rythmes, des manières de parler, qui sont tellement singuliers que c’est vraiment fascinant. Par une voix, on a l’impression de pouvoir rencontrer quelqu’un ou d’avoir une manière de le rencontrer qui est tout à fait unique.
JJSphere : Et si vous n’aviez pas poussé les rideaux d’un théâtre ou si, justement, vous n’aviez pas eu cette voix, qu’est-ce que vous auriez fait, André Dussollier ?
André Dussollier : Quand on est acteur, tout ne repose pas sur la voix. C’est le corps, c’est la vie en entier. Mais cela-dit, j’aime la voix, j’ai fait de la radio aussi. J’aime bien la radio parce qu’on peut faire croire à une histoire dramatique ou comique ou drôle…
Qu’est-ce que j’aurais fait si je n’avais pas fait ça ? Je pense… Je ne sais pas… Les autres, en tout cas, m’auraient été nécessaires. Donc, évidemment, quand on dit les autres, c’est le journalisme, c’est… Pas médecin, parce que là il y aurait eu des études dont je n’aurais pas été capable. Même si je les admire beaucoup et s’ils comptent beaucoup pour nous tous. Ou bien les scientifiques. Mais je pense que j’aurais été curieux des autres. Du coup, tous les métiers qui tournent autour de ça m’auraient bien plu.
JJSphere : Merci beaucoup !
André Dussollier : Merci à vous ! Vous vous appelez vraiment Josiane et Josette ? Vous pourriez vous appelez Josiane et Josette… Le problème c’est que je ne saurai jamais qui est Josiane et qui est Josette…
JJSphere : Et en plus, on change…
André Dussollier : C’est vrai ? Vous empruntez les… Vous changez… Ah, c’est pas mal. C’est fort. Vous voyez la femme, hein, la fameuse. C’est Josiane et Josette en fait. C’est tantôt Josiane, tantôt Josette. Ça y est, je viens de la rencontrer.
Confidences et indiscrétions du tac au tac
Et puisqu’un plaisir ne vient jamais seul, nous ne pouvons résister à l’envie de vous partager également le JJQuizde l’acteur. Sans filtre et sans fard, un mot, un son, un péché, une femme. Une femme ? Une seule ? Impossiiiiiiiiiible!
Cellule de crise – la série
Une série créée par Philippe Safir, François Legrand & Jacob Berger
Réalisée par Jacob Berger, avec Isabelle Caillat, André Dussollier, Luc Schiltz, Karim Saleh, Jean-François Balmer et Felipe Castro
Une production Tipi’Mages / Entre chien et loup
Dès le 3 décembre 2020
André Dussollier