Bleu, rouge, jaune, violet, vert. On connaît le drapeau arc-en-ciel, l’étendard de fierté porté bien haut lors des différentes Gay Pride. Or, des dérivés, des compléments, des nuances de gris et d’autres couleurs fleurissent depuis et nous plongent dans la confusion. Quelques éléments explicatifs pour saisir les mouvances identitaires, sexuelles et amoureuses du XXIe siècle.
On ne peut être plus perdu. Pas question de jugement, évidemment. Mais il faut avouer, quand même, qu’un manuel bien épais n’est pas inutile pour expliquer les différences et les similitudes, les particularités et les subtilités des différentes communautés et sous-cultures LGBTQ+. On oublie certainement des lettres. Les drapeaux de fierté qui émergent et sont dressés lors des Prides (qu’on ne peut donc plus appeler Gay) affirment l’appartenance à un groupe. Encore faut-il être initié pour en saisir les termes et les nuances, parfois extrêmement ténues. Des détails, dirait-on, mais qui ont toute leur importance pour les personnes concernées.
Il était une fois le coming out
Il était une fois, on sortait du placard. On faisait son coming out en famille, mettant en péril la cuisson du poulet dominical et, il faut malheureusement le dire, son avenir au sein dudit giron, susceptible de claquer une épaisse porte de déni, de rejet perclus d’incompréhension.
Or, aujourd’hui, celle-ci n’est pas uniquement l’apanage des militants de la manif pour tous. Elle est quasi générale pour peu qu’on ne soit pas directement impliqué. Si votre fille, devant le cabillaud du vendredi, vous informe être non-binaire à tendance fluide, il est bien possible que votre menton finisse dans votre assiette, d’ignorance.
Avec ses quelques 25 nuances de drapeaux, les fiertés se portent haut et fort. Des étendards sous lesquels il est possible de se sentir compris et défendu. Cet article, sorte de collection, certainement non exhaustive, de la multitude de bannières, de drapeaux de fierté facilement mentionnés sous le terme général de gay pride flags, est notre réponse au besoin impérieux que nous avions de comprendre. Et d’être dans le coup, peut-être ? En espérant ne pas faire de bourdes…
Les drapeaux de fierté LGBTQ+ arc-en-ciel
Imaginé par Gilbert Baker dans les années 70, le drapeau arc-en-ciel est brandi pour la première fois en 1978 lors de la manifestation suivant l’assassinat du conseiller Harvey Milk. La couleur était alors un signe de reconnaissance, un moyen de se faire de l’oeil sans ostentation, comme le faisait Oscar Wilde avec son oeillet vert à la boutonnière. Ainsi, l’artiste de San Francisco avait superposé huit bandes de couleur vive.
Rose pour le sexe, rouge pour la vie, orange pour la guérison, jaune pour le soleil, vert pour la nature, bleu pour l’art et la magie, indigo pour l’harmonie et, enfin, violet pour l’esprit humain.
Le drapeau arc-en-ciel perd ensuite le rose et l’indigo, le sexe et l’harmonie, pour devenir celui que nous connaissons. Dans une version imaginée à Philadelphie en 2017, le drapeau de fierté inclut à part entière les personnes de couleurs en leur dédiant deux bandes, brune et noire.
Enfin, plus récemment, le designer queer non-binaire Daniel Quasar insère dans l’arc-en-ciel une avancée de bandes de 5 couleurs supplémentaires. Une manière de rassembler sous le drapeau la pluralité de genres et de couleurs de peau.
Les drapeaux de fierté LGBTQ+ liés aux orientations sexuelles
Le drapeau Bisexuel
Inventé en 1998 par Michael Page, ce drapeau avait pour ambition première de rendre visibles les bisexuels au sein de la communauté LGBT. Le rose représente l’attirance envers une personne de même sexe, le bleu envers le sexe opposé et le violet envers les deux sexes.
Le drapeau Intersexe
Une personne intersexe est une personne qui ne rentre pas dans la binarité « mâle/femelle » (cela peut concerner les organes génitaux et/ou les hormones et/ou les chromosomes et/ou les caractéristiques sexuelles secondaires).
Pas de rose ni de bleu dans ce drapeau créé en 2013 par l’Organisation Intersex International Australia, mais du jaune et du violet qui sont des couleurs hermaphrodites.
Le cercle fermé au milieu représente la plénitude et le combat des personnes intersexes pour leur autonomie et leur intégrité corporelle et génitale. Une lutte pour avoir le droit d’être qui on veut.
Le drapeau Pansexuel
La pansexualité est une orientation sexuelle caractérisant les individus qui peuvent être attirés, sentimentalement ou sexuellement, par un individu de n’importe quel sexe ou genre. Apparu sur internet en 2010, le drapeau de fierté est régulièrement brandi et se différencie de la bisexualité. Le rose représente l’attraction envers les femmes, le bleu l’attraction envers les hommes et le jaune envers les personnes non-binaires ou d’un genre “non conformiste” (voir plus bas).
Le drapeau Demisexuel
Nikki Goldstein, sexologue et experte en relations, résume à Glamour: “La demisexualité est un lien émotionnel avec quelqu’un. Cela pourrait sembler évident car la plupart d’entre nous a besoin de ce fameux lien émotionnel pour être attiré sexuellement ou sentimentalement. Les demisexuels ont vraiment besoin de développer le lien affectif en premier lieu pour ressentir une quelconque connexion sexuelle”
En gros, si vous vous imaginez facilement une nuit d’amour sauvage avec Jeffrey Dean Morgan, Penelope Cruz, ou avec quiconque qui vous donne des frissons dans l’échine, vous n’êtes pas demisexuel.
Le drapeau Asexuel
L’asexuel(le) ne ressent peu ou pas d’attirance sexuelle. Le drapeau qui le représente est composé de 4 bandes. Le gradient noir – gris – blanc représente le spectre de l’asexualité à la sexualité. La bande grise représente en particulier les personnes qui ont très peu d’attirance sexuelle, ou sous conditions particulières (comme pour les demisexuels). À sa base, le violet symbolise la communauté.
Le drapeau Polysexuel
Les personnes se définissant comme polysexuelles sont attirées par plusieurs genres, mais pas tous (comme peuvent l’être les pansexuels). Leur drapeau de fierté imaginé en 2012 est composé de bleu de rose et de vert, masculin, féminin et autres genres. Le polysexuel peut se distinguer de la pansexualité par une attraction pour la féminité et la masculinité et non pour un genre particulier.
Les drapeaux de fierté Lesbiens
Le drapeau lipstick lesbien, composé de différentes bandes roses, a été délaissé ne faisant pas l’unanimité parmi les lesbiennes. Trop de rose tue le rose ! (De plus, il y a eu une controverse autour de la créatrice raciste et transphobe de ce drapeau.)
En 2018, un vote entre différents drapeaux de fierté alternatifs a été proposé et c’est le drapeau rouge (non conformité de genre) – orange (indépendance et communauté) – blanc (relation unique à la féminité) – rose (sérénité, paix, amour et sexe) –et rose foncé (féminité) qui a été retenu.
En parallèle, existe également le drapeau imaginé par Sean Campbell en 1999. Composé d’un triangle noir inversé, symbole utilisé par les nazis pour “marquer” les lesbiennes, et d’une hache à double tranchant, arme des amazones, ce drapeau est censé représenter les lesbiennes qui se définissent “butch”, c’est à dire “masculines”. Il est peu usité.
Les drapeaux de fierté LGBTQ+ liés au genre
Le drapeau Agenre
Le drapeau agenre créé en 2014 est réversible et représente le rejet de la notion de genre. Le vert représente la non-binarité (spectre masculin-féminin) opposé au violet, le noir et le blanc l’absence de genre, le gris toutes les nuances (fluide, polygenre, demi-genre).
Le drapeau Androgyne
Le drapeau de fierté androgyne rassemble les personnes qui se situent entre les genres masculin (bleu) et féminin (rose). Ou dans un mélange des deux (violet). Cela, dans des proportions variables.
Le drapeau Bigenre
Une personne bigenre expérimente deux genres, en alternance ou simultanément. Le blanc – qui se retrouve sur le drapeau transgenre – représente la non-binarité comme l’alternance entre deux genres. Le violet symbolise la combinaison des genres, le bleu la masculinité et le rose la féminité.
Les drapeaux de fierté LGBTQ+ Transgenre
Une personne transgenre est une personne qui n’est pas exclusivement du genre qui lui a été assigné à la naissance.
Le drapeau transgenre a été créé en 1999 par Monica Helms, vétéran de la marine américaine, après avoir fait son coming out en tant que trans. Sa couleur rose représente les femmes trans, le bleu symbolise les hommes trans et le blanc en son milieu incarne la non-binarité. Les personnes en transition ou d’un genre neutre, absent, sont aussi inclus par la bande blanche du drapeau.
La symétrie du drapeau implique qu’il soit dans le bon sens, quel que soit le point de vue. Cela représente la quête d’authenticité dans nos vies.
Deux “sous-groupes” se sont également reconnus dans ce drapeau pour en développer également un propre : les transgenres qui tendent vers la féminité (sans forcément y parvenir complètement) et les transgenres qui tendent vers la masculinité.
Le drapeau Fluide / Flexible
Les personnes genderfluid peuvent passer d’un genre à l’autre. Dans le temps ou/et selon les conditions. Leur drapeau est donc composé de rose pour le genre féminin, de blanc pour la neutralité (ou toutes les possibles combinaisons de genres) et de violet pour la non-binarité ou la combinaison du masculin et du féminin. Il comporte aussi du noir pour les agenrés (ne se reconnaissant dans aucun genre) et du bleu pour le masculin.
Le drapeau Queer
Une personne Queer est non-binaire. Néanmoins, depuis l’arrivée de la culture non-binaire à proprement parler, le terme Queer se défait petit-à-petit de l’acception de genre et définit plus généralement des personnes à l’expression de genre non normative. La connotation, notamment politique, du mot Queer a aussi contribué à la désolidarisation des non-binaires.
Le drapeau genderqueer a été créé en 2011 par Marilyn Roxie. La bande violette représente le spectre masculin-féminin, la bande blanche l’absence de genre (agenre) ou la neutralité de genre. Enfin, la bande verte représente les genres en dehors des concepts de binarité, car c’est la couleur opposée au violet (qui contient du rose et du bleu).
Le drapeau Non-binaire
Pas de rose ni de bleu dans ce drapeau, les personnes non-binaires se définissent justement en dehors de ces normes, pouvant toutes les embrasser ou passer de l’une à l’autre. Elles ne sont ni exclusivement femme ni exclusivement homme.
Le drapeau non-binaire a été créé par Kye Rowan en 2014 pour répondre au besoin des personnes qui ne se reconnaissaient pas dans le terme de Queer.
La bande jaune représente les genres non associés à la binarité, non dérivés de la binarité (il ne contient ni bleu, ni rose). Puis, le blanc qui représente ici la multiplicité de genres à contrario du noir pour les personnes agenres.
Enfin, le violet qui représente les genres issus de la binarité et du spectre féminin-masculin.
Le drapeau Neutrois
Créé en 1995 par H. A. Burnham pour se qualifier lui-même, le drapeau Neutrois implique la neutralité et le chiffre trois, pour troisième sexe. De la neutralité à l’absence de genre en passant par une combinaison hors de la binarité masculin-féminin, la trinité du neutrois est représentée par les couleurs blanc, noir et vert.
Le drapeau Incertain (qui se questionne encore)
C’est le drapeau de ceux qui cherchent encore des réponses et ne savent pas encore définir leur identité de genre. Ces personnes peuvent parfaitement être cisgenre en définitive, autrement dit, en accord avec leur sexe de naissance.
Créé en 2017, ce drapeau de fierté rassemble les couleurs du spectre des genres et les nuances du doute.
Le drapeau Demi-boy
Un demi-boy (ou demi-garçon) est une personne qui se sent en partie homme et en partie affiliée à un autre genre, quel qu’il soit (femme, mais aussi non-genré par exemple). Le bleu vient montrer l’appartenance au genre masculin, le blanc central et le gris qui l’entourent l’appartenance à un autre genre, plus neutre.
Le drapeau Demi-girl
Une demi-girl (ou demi-fille) est une personne qui se sent en partie femme et en partie affiliée à un autre genre, quel qu’il soit (homme, mais aussi non-genré par exemple). Le rose vient montrer l’appartenance au genre féminin, le blanc central et le gris qui l’entourent l’appartenance à un autre genre, plus neutre.
Le drapeau Aromantique
Hors de la sexualité, le drapeau aromantique concerne plutôt l’attraction sentimentale. Ou plutôt, l’absence d’attraction, d’attirance.
Le drapeau aromantique créé en 2014 est composé de vert pour tous ceux qui vivent sans désir romantique ou d’un désir différent, de blanc et de noir qui représentent toutes les sexualités aromantiques.
Les drapeaux de fierté LGBTQ+ Aroace
Les aroaces cumulent les particularités des aromantiques et des asexuel-les. Ils ne ressent d’attirance ni romantique ni sexuelle pour personne.
Créé en 2018 le drapeau aroace est composé de 5 bandes : Deux teintes de bleu qui représentent le fait d’être aroace et le spectre des vécus aroace. C’est aussi une couleur entre le vert aro(mantique) et le violet ace(asexuel). Du jaune qui représente les relations en dehors du cadre romantico-sexuel, du rose pour les sentiments en dehors du cadre romantico-sexuel et le violet pour l’indépendance des aroaces qui ne souhaitent pas de partenaire du tout.
Il existe également des nuances pour les aroaces qui se déclinent également en drapeaux de fierté.
Les aroaces orienté(e)s par exemple sont des personnes aromantiques et asexuelles ayant des attirances non-romantiques et non-sexuelles qui sont suffisamment significatives pour nécessiter d’utiliser un autre terme d’orientation avec aroace, comme les bi aroaces (avec une bande violette sur leur drapeau).
Leurs couleurs ? Le bleu foncé pour le fait d’être aroace, le bleu clair pour l’appartenance aux communautés aro et ace (cette couleur est entre le vert aro et le violet ace), le blanc pour les différentes orientations au sein des aroaces (bi aroace, gay aroace, etc.) et le vert pour les attirances non romantiques et non sexuelles.
Le drapeau Maverique
Maverique est un genre ni masculin, ni féminin (en dehors du spectre binaire), tout en étant ni neutre, ni caractérisé par une absence de genre.
Le drapeau a été créé en 2014 et est composé d’une bande jaune représentant la non-binarité masculin-féminin. D’une bande blanche qui représente l’indépendance et l’autonomie de ce genre. Et enfin une bande orange qui indique que les maveriques ne sont pas indifférent-e-s à propos de leur genre mais qu’ils ont une conviction intérieure. Elle représente aussi le fait d’être non-conforme à la norme binaire.
Drapeaux de fierté LGBTQ+ : Les sous-cultures
Le drapeau Pony
Drapeau d’un sous-groupe fétichiste, le Pony Flag a été créé en 2007 et se veut inclusif d’une large communauté aficionados du cuir et de ses pratiques.
Le drapeau Feather / Drag
Les drags rassemblent les drag queens, les rois fantaisistes ainsi que leur cour et leurs fétichistes. Le premier drapeau de fierté drag a été créé en 1999 par l’artiste Sean Campbell et se nomme le Feather Pride Flag (voir ci-dessous).
Le phénix a été adopté par la communauté gay comme symbole de renaissance, de feu et de passion, notamment pour rendre hommage aux disparus et aux survivants du SIDA. Ce drapeau est utilisé par les drags notamment pour éveiller les consciences et récolter des fonds pour différentes causes.
Le drapeau Twink
Les twinks (ou crevettes, ou minets) représentent des garçons jeunes, plutôt fins, mignons et peu, voire pas poilus du tout. On peut donc les opposer à la sous-culture des bears (voir ci-dessous).
Le drapeau Bear, la confrérie des ours
Craig Byrnes and Paul Witzkoske en 1995 ont imaginé le drapeau de fierté Bear, ours, pour symboliser la sous-culture masculine gay, bisexuelle et trans qui se reconnaissent par leurs poils. Reprenant et exacerbant les symboles masculins, les bears se définissent généralement par une pilosité abondante et une carrure imposante. Chaque bande de leur drapeau représente une couleur d’ours.
Le drapeau Fétichiste du latex
La création du drapeau Rubber Latex remonte à 1995 et ses créateurs sont Peter Tolos et Scott Moats. Ils voulaient pouvoir s’identifier et identifier les hommes qui ont, comme eux, une passion pour le latex. On appelle également les membres de cette communauté des fétichistes du caoutchouc.
Le noir représente la passion érotique pour le look et la sensation du latex noir et brillant. Le rouge représente la passion sanguine pour le caoutchouc. Et le jaune… pour les jeux et la fantaisie qu’offrent caoutchouc et latex.
Le drapeau du polyamour
Puisque le signe Pi a une suite de chiffres décimaux infini, l’adepte du polyamour a une infinité de partenaires possibles. Un Pi doré, parce que l’or représente la connexion émotionnelle, il ne s’agit pas ici uniquement de sexualité.
Mais… n’en manquerait-il pas un ?
Les drapeaux hétérosexuels
Représentant l’ordre établi et la reconnaissance sans question ni jugement, est-ce que l’hétérosexuel a vraiment besoin d’un drapeau de fierté ? Afin d’être parfaitement inclusif et parce qu’il ne serait effectivement pas juste d’oublier cette frange de la population, juste parce qu’elle représente la norme, il existe un drapeau hétérosexuel.
En tenue de Dalton il s’est récemment vu agrémenté d’une pyramide arc-en-ciel, afin de discerner les hétérosexuels alliés des communautés LGBTQ+. Hétéros colorés, donc.
La seule conclusion que nous pouvons apporter à cet abécédaire qui n’entre pas dans l’ordre alphabétique et ne se contente pas de la norme, c’est que nous ne pourrions vivre sans couleurs. Vive les couleurs !
On ne peut nier que le drapeau hétérosexuel fait bien triste mine sans toutes les couleurs qui composent la diversité, la pluralité, la liberté. Vive les couleurs ! Et vive l’amour ! Parce qu’en définitive, il ne s’agit que de ça, non ?
Love is Love. Un point c’est tout.
Sources : Slate.fr /MarieClaire.com/NeonMag.fr/LesInrocks.com/HuffingtonPost
Un merci particulier au blog La Vie en Queer qui a mis ce sujet en perspective et en éclaircissements.
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