Avec l'avènement des réseaux sociaux, de nouveaux métiers ont vu le jour, dont ceux d'influenceur et influenceuse qui tentent de gagner leur vie en revêtant un profil de prescripteur. Publicité et narcissisme, culte de la consommation et promotion de soi-même, en quête d'amour et de reconnaissance ? Plongée dans l'univers de l'influence à l'aide du dernier best seller de Delphine de Vigan, Les Enfants sont rois , et florilège de têtes de proue du phénomène.
Référents, idoles, stars à suivre, artistes, sportifs. Ils ont un blog, réalisent des vidéos, postent des photos, en bref, créent du contenu qu’ils publient sur un site, mais majoritairement sur les réseaux sociaux. Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, les influenceurs, de l’anglais influencer, font croître leur communauté pour faire de leur visibilité un business qui peut se monnayer très cher. Leur légitimité ? Elle est validée, comme leur crédibilité, par leurs followers, leurs suiveurs, leurs influencés. Influenceur, nouveau métier dans l’air du temps qui soulève incompréhension et fascination, les people du Net posent question.
Qu'est-ce que c'est un influenceur ?
“Salut les Happy fans ! Je vous fais plein de bisous d’étoile !”
Un nouveau langage pour une nouvelle pratique. Fini Don Draper et les publicitaires aux whisky-glaçons, les nouvelles figures du marketing font de leur vie un scénario, ficelé pour vendre des produits. Cette impression de proximité infinie avec une star, une personne de notoriété, participe à l’influence, justement. C’est une amie qui nous conseille ce démaquillant, c’est un voisin qui nous propose cette casquette. L’influenceur fait de sa portée une marchandise. Vendeurs de bluff, les stars des réseaux mettent leur quotidien en scène.
Depuis l’arrivée fracassante de la télé réalité et de son Loft pionnier, on a bien compris que la vraie vie, le quotidien brut, n’a rien d’intéressant. On se souvient de ces débuts aussi dérangeants que fascinants, des heures passées à observer le vide, le rien, à espionner par le trou de la serrure. Être les témoins de moments intimes, les invités du confessionnal, parce que c’est interdit et que ça réveille le voyeur qui est en nous, une nouvelle addiction qui invite les exhibitionnistes hors du bois. Une révolution.
Influenceurs : catalogue de genres
Alors, on l’invente, on s’invente. La qualité requise : avoir une personnalité remarquable pour être remarquée. Si la célébrité n’est pas arrivée pour une autre raison, une autre activité. Aujourd’hui, on dénombre plusieurs sortes d’influenceurs. On peut alors imaginer que leur métier est ailleurs, mais ce n’est pas le cas pour tous.
Les artistes : Humoristes, chanteurs, musiciennes, actrices et acteurs, la notoriété de ces personnalité vient généralement d’ailleurs. Ils n’en sont pas moins influenceurs pour autant ! Peut-être ceux qui ont fait de la publicité une marchandise de rêve et de glamour depuis toujours. Ces comptes peuvent aussi partager idées politiques et sociales, défendre ou soutenir certaines causes qui méritent plus de visibilité.
Le lifestyle : Réunissant tendances de toutes sortes comme la mode, la beauté, la santé, tout ce qui a un rapport avec le style de vie ou le style tout court. Tutoriels et recettes, poses lascives en tenues diverses et variées, démonstrations devant la caméra, c’est la catégorie qui n’a de légitimité que le nombre de followers et le nombre de contrats avec des marques partenaires.
Les sportifs : à l’image des artistes, les sportifs ont aussi une image à vendre. Que ce soit directement lié à leur pratique sportive (coaching, tutoriels, etc.) ou du pur lifestyle à travers lequel ils vendent du rêve… et des produits.
Les populaires grand public : On y trouve les célébrités éclair, fugaces, les stars de la télé-réalité, TV shows et autres radio crochets qui cumulent les fans après leurs apparitions sur les réseaux ou les chaînes télévisées. Restent ceux qui sauront convertir cette visibilité et vendre leur image intelligemment. Devenant ainsi influenceur professionnel… si c’est un métier. Pourquoi pas.
Quand même les enfants s'y mettent
Le glissement qui pose question, c’est quand les familles se mettent à créer du contenu sur le web. Plus particulièrement les enfants. En octobre 2020, le France a été le premier pays au monde à légiférer, encore timidement, sur le travail des enfants sur les réseaux. Pourtant, cela fait déjà des années que les enfants sont eux aussi les stars de l’influence.
Déballages de jouets, défis divers et variés, visant toujours la gloire de la consommation, les vidéos pleuvent et les happy fans se comptent par millions. Le désir de publier un contenu qui deviendra viral, qui sera suivi et aimé par la planète entière ! Jusqu’au Cheese Challenge, phénomène né sur TikTok en 2019, qui consiste à jeter un morceau de fromage au visage de son bébé et de filmer sa réaction. Tellement absurde que c’en est confondant, tellement affligeant que c’en est terrifiant.
On est loin des pubs Mattel® entre deux dessins animés. Désormais, les enfants vendent aux enfants et sont le dessin animé aussi. Le contenu et la pub, un tout en un devant lequel les jeunes générations s’attardent et auquel elles s’abonnent pour ne rien manquer.
Delphine de Vigan se plonge dans YouTube
L’auteure Delphine de Vigan a planté ce phénomène au coeur de son nouveau roman, Les Enfants sont rois. Elle dépeint l’histoire de Mélanie. Mélanie a un rêve : devenir célèbre. Pas artiste, pas chanteuse, pas sportive, non, juste célèbre, reconnue, admirée. Pour rien. Ou si, pour enfin avoir l’amour et la reconnaissance qu’elle attend depuis toujours. Steevy et Loana sont ses idoles. Elle va mettre ses enfants dans la lumière, toute leur vie de Story Instagram en vidéos YouTube, persuadée que le bonheur, c’est ça. Que l’amour, c’est ça. Pour elle. Et pour ses enfants auxquels elle offre une vie d’abondance sous les projecteurs.
ils sont filmés en permanence, racontés tous les jours à des millions d’inconnus sans le comprendre, à un âge où on aimerait plutôt se fondre dans la masse et être “normal”. Qu’en est-il du consentement ? Où commence la maltraitance ? Quelles en seront les conséquences ?
Les enfants de Mélanie déballent des montagnes de cadeaux et rencontrent des foules de fans sans joie. Le lien social est faussé, l’enfance et l’innocence planquées sous le tapis de sourires forcés.
La romancière écrit avec force une société qui fonce dans le mur. Une dérive, sûrement, mais une fatalité tant que nous sommes régis par un système de consommation où le plus visible a le plus de succès.
Alors, un métier, influenceur ?
Étrangement, quand l’influenceur a du succès, il se qualifie d’entrepreneur, de creative directors, le mompreneuses et autres termes professionnels communs. Est-ce alors que les influenceurs eux-mêmes ne considèrent pas leur pratique comme un métier digne d’être proclamé ? Cela dit, le succès n’est pas gratuit et demande, outre d’avoir cette fameuse personnalité intéressante (!), un certain savoir-faire numérique et des connaissances en marketing. Le commerce de son image est un business en soi qui ne compte pas ses heures.
Les contenus doivent être fréquents et d’une qualité irréprochable. Même si le propos semble (souvent, pour certains) d’un vide abyssal, tous les éléments graphiques et visuels, la maîtrise de la rédaction des posts et du référencement sur le web, la compréhension des réseaux sociaux et de leur fonctionnement promotionnel est nécessaire et extrêmement chronophage. En bref, un influenceur ne peut pas être un flemmard et n’est un aucun cas un moyen de se faire de l’argent facile. Ici aussi, beaucoup d’appelés et peu d’élus. De là à avoir du talent… Ça dépend de l’endroit où on place les curseurs.
Sans diaboliser le medium qui peut regorger de créativité et permet à nombre d’entre-nous de faire connaître un talent, une pratique, une veine artistique, l’utilisation qui en est fait doit être remise en question. Il faut parfois le voir pour le croire, tant certains contenus, souvent les plus vus et partagés, sont confondant de bêtise. Nous continuons donc à nous interroger. Et à éduquer nos enfants au sens critique, à la remise en question et à la réflexion constante. Un défi. Surtout quand nous, adultes, sommes inlassablement happés et englués dans nos petits écrans portables. Sûrement en train de suivre quelques influenceurs…
Florilège de figures d'influence
Ceux qu’on jalouse
Ils font le tour du monde, ils sont beaux, ils sont sympathiques, leur site est magnifique. En bref, on les déteste… mais on les suit !
Ceci-dit, ils ont beau le faire à l’autre bout du monde, même eux ont des soucis de couple… Séparés aujourd’hui, les amoureux restent globe-trotters avant tout.
Ceux qui nous font suer
Sur des sites, par des méthodes diverses et variées, sur Instagram, évidemment, les sportifs gonflent les pectoraux et les sportives serrent les abdos. Franchement ? On n’a pas testé… pas le courage. Mais on admire les avant-après sans filtres qui donneraient presqu’envie de s’y mettre. Presque.
Ceux qui nous font saliver
Par des jeux gourmands et des recettes qui donnent faim, les marques pleuvent et vendent, Un exemple réussi de placement de produits, Gastronogeek et sa barbe fournie produit des vidéos thématiques qui sont abondamment vues. Et puis les plats sont bons.
@gastronogeek
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Celle qui vit sous influence
Symptomatique de l’époque que nous traversons mais qui l’assume, Kenza a le sens du marketing et a compris le business de son image. Parce qu’il ne suffit pas de poster de belles photos, il faut savoir se vendre, sans hésiter. Et pourquoi pas avec un livre ?
Celle qui règne
Sans conteste, la plus belle… Et nous ne sommes de loin pas les seules à le penser. Caroline Receveur a le visage et le corps des stars, les ongles aussi longs que ses cils et influence comme elle respire, avec un “je ne sais quoi” de naturel et d’évident. La sirène qui envoute tous les marins des réseaux.