Ça commence sur une prière, tout en trémolos. Et puis de hauts, de vertigineux escarpins jaunes dans un matin frisquet mais pas sombre. La dame n’est pas encore en noir. Mais on fait silence, la transformation opère. Ça tourne. Barbara, scène 1, première. Clap.
Elle parle du bout des lèvres. Elle murmure du bout du coeur. Elle chante du bout des tripes. Et Josette n’en peut plus. Plus amatrice de mélodies majeures qui clament leur bonheur sans complexe, la demoiselle au chignon n’a pas de penchant pour l’énigmatique Barbara. Pourtant admiratrice du travail de Sieur Amalric, le trailer a suffit à la décourager et Josiane s’est retrouvée seule face à son écran, prête à accueillir les images et les notes, la mélancolie et la poésie, l’obscurité à la marge des projecteurs.
Par des plans d’un esthétisme contrasté, Mathieu Amalric fait revivre Barbara derrière le rideau enfumé d’une bouffée de cigarette. La grâce des gestes lents, la langueur du phrasé, tout y est. Dans un mélange d’archives et d’interprétation, le réalisateur se met en abime et observe avec fascination son sujet. Est-ce vraiment un film sur Barbara ou sur Mathieu Amalric qui se prend pour un metteur en scène qui s’invente dans la vie de la chanteuse disparue ? Fasciné, il est, et nous sommes plongés dans son fantasme, emportés par l’érotisme charnel des mots, la perfection des mélodies, la passion tragique de la femme.
Oeil au khôl, masque blanc, lèvres carmin, Jeanne Balibar se fond dans son personnage et, confondante de beauté, provoque le trouble. Sa diction est saccadée, ses gestes aériens, elle en devient obsédante. Elle chante, la comédienne disparaît, n’existent que les textes. Le scripte ? Les chansons ? La vie ?
L’étoffe noire s’éloigne, les plumes chatouillent nos esprits, le goût du perlimpinpin (un nouveau mot à la mode) a fait son oeuvre et l’admiration de Mathieu Amalric, de son personnage, des deux, est contagieuse. Une très belle parenthèse. Un tête à tête amoureux avec une grande dame. Un moment de grâce.
Barbara
un film de Mathieu Amalric avec Jeanne Balibar
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