À l’abordage bande de marins d’eau douce !! Naviguer dans une mare, c’est aussi triste et rébarbatif qu’un épisode de Derrick. Et c’est environ aussi excitant que de la boire, l’eau douce.
Il fut un temps, pourrissaient barriques et tonneaux dans les fonds de cale du Capitaine Crochet. Il y eut une époque où Barbe Noire détroussait les flibustiers jusqu’à la dernière gouttelette de rhum. Aujourd’hui, en direct de l’Île de la Tortuga dans les Caraïbes, les pieds dans le sable de Saint-Domingue, Jack Rackham, notre reporter en “J”, découvre une bouteille déposée sur la berge par le ressac. Aussitôt, il sort son iPhone : “Adieuuuu les gars ! J’viens de mettre l’orteil sur le prochain HIT de vot’carte, j’vous l’envoie fissa à la rame.” Sitôt trouvé, sitôt expédié, sitôt goûté, sitôt ajouté à la liste longue comme le bras des références de rhum du Little Barrel. Aussi simple que ça. Un article pour vous les Bois sans soif.
Nicolas Berger (qui vous dira certainement quelque chose si vous leviez le coude dans la toute petite salle du Chat Noir – pré rénovations – il y a une éternité) ainsi que son associé in crime Quentin Beurgaud savent recevoir. Leur concept ? Ouvrir un bar à spiritueux spécialisé dans le rhum. Niché au coeur des Eaux-Vives, à deux pas du lac, leur repaire accueille aficionados avertis, experts dans l’art de l’alcool de canne, amis, fêtards et autres épicuriens plutôt trentenaires, plutôt curieux, plutôt amateurs de sensations fortes. Ici pas de bière pression. Pas de restauration non plus mais on peut quand même protéger son estomac à l’heure de l’apéro avec de petites planchettes sympathiques ou des croques flairant bon la truffe.
Si vous pénétrez dans le bar, vous serez séduits par les étiquettes griffonnées à la main de certaines bouteilles, comme sur les étals d’un apothicaire. Zombie, Beachcomber… Au sous-sol, on entrouvre la porte “Privée” et on découvre le laboratoire d’un savant fou. Décoctions fumantes, substances en réductions, sirops étranges, cuissons lentes, concentrés de fleurs, produits de saison, les Laurel&Hardy de la mixologie sont en action dans leur grotte, élaborant des bases uniques pour des verres insolites. Quand il était enfant, Nicolas a certainement demandé au Père Noël une panoplie de chimiste. Il devait aussi finir les verres des grands en fin de soirée, sinon comment avoir l’idée de devenir barman dès l’âge de 6 ans ? On ne voit pas.
Et quand on vous dit qu’à ce niveau, le cocktail est un art de précision, on ne plaisante pas. Encastré derrière le bar, un congélateur glace les verres et conserve des glaçons de toutes tailles et de toutes formes, spécialement conçus pour accompagner LA mixture choisie dans LE verre approprié. Ça ne s’invente pas.
La beauté et l’exotisme étrange de certains breuvages rappellent que le cocktail a sa place dans le domaine exigeant des métiers de bouche. Ce n’est pas qu’une boisson de fin de soirée pour adolescent en mal de coma ou l’apéritif de jeunes ingénues sur stilettos, non. C’est l’occasion de créer, d’inventer, de marier et finalement aussi d’apprendre à reconnaître du bout des lèvres la signature de l’artiste/bartender qui exprime son savoir-faire dans votre verre.
Nous ne sommes en définitive pas très loin de la cale du navire de Barbosa. Le décor du Barrel fait aussi dans le pittoresque qui sent le fût de chêne. Tableaux, carte au trésor, vieux flacons et banquettes en cuir, l’atmosphère est chaleureuse avec juste ce qu’il faut d’excentrique.
Méfiez-vous en entrant dans cette barrique, vous n’en ressortirez pas indemne. Laissez vos papilles se faire guider et surprendre comme dans un étoilé Michelin. C’en est presqu’un d’ailleurs, au vu du nombre de concours remportés et de mentions dans les revues pointues du sujet des deux Chefs des lieux. Laissez l’ivresse s’inviter sur fond de miel ou de décoctions d’épices. Laissez l’ambiance boucanière faire son oeuvre. Offrez un bon pour deux cocktails à vos amis et laissez vos enfants à la maison…
