Oui. Direct. Sans ambages ni faux semblants, nous vous le disons tout de go, nous sommes dans sa baignoire. Parce qu’il faut en avoir du manque de discrétion pour se dévoiler à ce point ! Gilles est un impudique. Et comme nous aussi, autant partager le même bain, parce que c’est plutôt sympa. On peut se prêter ses canards, on peut se grimer en père Noël avec la mousse, on peut se frotter le dos. Il nous a invitées dans son bain, nous avons dit oui.
Et il n’a pas peur le mec. Parce que, même si ce n’est pas lui qui a enfilé moule-paquet, bonnet et pince-nez, il apparaît dans chaque personnage, chaque peur, chaque trait d’esprit, chaque image de solidarité et d’amitié. Dans cette piscine, il y a Gilles, tout seul, tout nu. Sympa non ?
Gilles Lellouche, réalisateur
Vous avez certainement saisi que nous parlons du premier film du réalisateur solo Gilles Lellouche (qui était plusieurs fois passé derrière la caméra pour des clips et pour des longs-métrages mais avec des comparses). Vous avez saisi que nous avons aimé. Sans le définir comme une comédie pure, on rit tout le long. Sans le ranger dans une catégorie de film social, on est ému par les sujets abordés et les épreuves que les personnages traversent. Sans l’épingler film choral, on a envie de faire partie de cette troupe de bras cassés, foulés, égratignés.
Quand le pathétique devient touchant, émouvant, intelligent, drôle. On découvre des photos poétiques comme le bleu des yeux de Philippe Katerine qui se fond dans les profondeurs de la piscine municipale où il passe sa vie entre un Kit Kat et une banane. Parce que la naïveté est poétique. On pourrait croire que c’est un looser. Mais en quoi est-ce qu’on est perdant quand on se sent heureux dans sa condition et à sa place ? Peut-être par manque de reconnaissance. On a tous besoin d’une médaille. Pour se sentir vivre, pour se sentir ivre, pour se donner un but.
Un saut dans Le Grand Bain
Quand ça ne tourne pas rond, faut-il vraiment tenter de se glisser dans un carré ? Dans son introduction, Gilles Lellouche rappelle que les normes sociales, les règles raisonnables veulent que chaque pièce, chaque forme ait sa place et son propre chemin. Mais qu’en est-il des digressions ? Des accidents de la vie, des virages ? Avec ses personnages en pleine courbe, Le Grand Bain pousse un peu les parois du préétabli, arrondi les angles.
Sans savoir finalement comment chacun des nageurs-synchronisés est arrivé au bord de ce bassin, on comprend ce qui les pousse à rester, malgré le regard peu compréhensif, parfois même malveillant, des gens normaux, des gens normés. Ils se retrouvent le soir après l’équipe de Water Polo. L’activité importe peu, elle est pourtant centrale. Elle libère des carcans du jugement et pousse à la confidence. Quand on porte un slip de bain sur bedaine poilue, il serait bien mal venu de se placer au-dessus de ses congénères.
Une troupe en slip de bain
Que dire des acteurs… Qu’ils sont absolument formidables de justesse, touchants, chacun dans son registre et avec son histoire propre. Et impressionnants dans ce grand bain ! Même si la synchronisation parfaite n’est pas de mise, preuve en est sur la photo ci-dessous. Nous constatons un petit retard sur le levé de bras de Jean-Hugues et de Balasingham (c’est là que nous sommes heureuses d’officier par écrit aujourd’hui) et une discrète précipitation de Benoît Poelvoorde à lever l’autre main.
Oui, la perfection n’existe pas et ces hommes dauphins plaident pour nous le rappeler. Mais le but qu’ils se sont choisi, qui les fait se mettre debout, se retrouver, suer ensemble (oui, il est possible de suer dans une piscine, ne vous en déplaise) leur donne une force, une trajectoire, un espoir, un équilibre. Si j’ose un raccourci de comptoir, c’est de plonger dans la piscine qui leur fait sortir la tête de l’eau. Voilà. C’est fait. Pas peu fière.
Des hommes dauphins et des femmes piliers
Que dire des femmes ? Puisqu’on baigne dans la phrase bateau, continuons. On dit qu’il y a une femme derrière tout grand homme. Il se pourrait bien qu’elle soit alcoolique, handicapée ou blonde fortement frangée. D’accord, ce ne sont peut-être pas de grands hommes dans le film, mais des Messieurs ordinaires qui sont soutenus, épaulés, compris par un trio féminin rêvé.
La poétique, la tyrannique, la romantique ? Là encore, ça sent le Gilles à plein nez, qui doit avoir un fantasme secret de femme archi compréhensive qui lui lirait des livres tout en dissimulant une cravache.
Quoi de plus ? On sent que Gilles Lellouche fait ce qui lui plaît, avec sincérité et talent. Avec bonheur. Il transmet à travers l’écran le plaisir incontestable qu’il a eu à imaginer et réaliser ces images. Un Feel Good Movie ? Sans conteste, avec tout ce que ça peut comporter de nuances et d’émotions variées. Bravo Monsieur !
Le Grand Bain
de Gilles Lellouche, sorti le 24 octobre 2018
Avec Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet, Marina Foïs, Virginie Efira, Leïla Bekhti, Philippe Katerine, Balasingham Thamilchelvan, Felix Moati, Jean-Hugues Anglade, Alban Ivanov
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Oui, la photo est légèrement étrange et trafiquée mais vous vous doutez bien que nous ne portons pas nos lunettes quand nous prenons un bain… Quoique…