Quand nous poussons la porte du petit salon de l’Hôtel Métropole où nous avons rendez-vous, nous ne savons pas à quoi nous attendre. Nous connaissons ses dessins, ses histoires, ses personnages, mais lui ? Qui est-il ? Un Monsieur au sourire doux, au regard mutin et au verbe lumineux nous accueille, élégant et simple. Coloré.
Son rythme est pondéré comme pour nous laisser le temps de bien entendre, écouter, ce qu’il nous dit. À l’image de son film, qui nous emmène dans les rues d’un Paris 1900 à dos de triporteur, dont le pédalier donne la cadence et permet d’admirer les détails du décor, les éléments photographiques, les dessins, les affiches, les gens, leurs tenues, les bâtiments. Rien n’est laissé au hasard et l’œil vagabonde à mesure que Dilili tourne la tête pour, elle aussi, s’imprégner de ce qui l’entoure. Et les mots. Le langage est articulé, les syllabes savourées, les exclamations martelées. On est en 1900 et pourtant la modernité et la lucidité du propos est fulgurante. Humaniste, Michel Ocelot souffre des inégalités de traitement entre les êtres et envoie son héroïne, une demoiselle à la peau foncée, figure d’exception dans les rues de Paris, à la recherche de la fameuse, secrète, puissante secte des mâles-maîtres, qui enlèvent et asservissent les filles dans le but de domestiquer les femmes à jamais. De la plus belle des manières, Michel Ocelot fait se côtoyer avec lucidité ce qu’il y a de pire et ce qu’il y a de plus merveilleux chez l’humain, aujourd’hui comme hier, tout en faisant la tendre apologie de la curiosité, du savoir-être et de la joie.
Dans sa quête, Dilili se fait seconder par son gracieux chauffeur Orel et puis par d’illustres figures de cette Belle Époque qui n’en porte pas que le nom. Proust, Pasteur, Toulouse-Lautrec mais surtout des femmes, des femmes qui ont su pousser une porte, être sur le devant de la scène, être reconnues pour leur métier, leur intelligence, leur sublime talent, chacune dans son domaine.
Rassembler Louise Michel, Marie Curie et Sarah Bernhardt dans un même tableau vivant, face à une jeune Kanake, ne serait-ce pas la plus grande des libertés que permet le cinéma d’animation ?
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Dilili à Paris, sortie le 10 octobre 2018 en Suisse romande