D’une génération à l’autre, la langue évolue et la parole prend le pli de l’air du temps. Or, sans forcément se lancer dans un concours d’éloquence (quoique), valorise-t-on suffisamment l’art intemporel du bien parler ?
Les accents, les expressions, les particularités de langage reflètent de manière immédiate la provenance de l’orateur, ses racines, ses origines. Les mots employés, le choix des formules, conscient ou pas, définissent une personnalité, une culture, une éducation. La prise de parole est sans aucun doute indissociable de l’être et de ses acquis culturels et sociaux. Parler en public est alors un acte faisant figure de révélateur de l’âme. Ou de ce qu’on veut bien lui faire dire…
Que penser alors de l’appauvrissement du langage ? Sommes-nous tous voués à nous exprimer par onomatopées, acronymes, raccourcis et contractions ? La flemme a pris possession de la langue. Dis-moi c’est quoi ce seum ! Perte de vocabulaire, flou grammatical, tolérance absurde sur les accords et l’usage correct de la langue, le français parlé accentue les fractures et dissocie les gens.
Sans même évoquer la grossièreté qui s’installe confortablement dans le canapé des cerveaux. Un petit plaid ? Sachant que bien souvent la grossièreté sort du bois pour masquer une perte de moyens, une exclusion du terrain oratoire, peut-être faudrait-il réapprendre à s’exprimer. À en savourer l’art, la manière et le plaisir.
Dis-moi comment tu parles…
On le sait bien. Ça fait partie des coups de vieux que l’on se prend en traitre à l’arrière de la nuque sans qu’ils ne daignent nous prévenir. Le vocabulaire change. Il évolue. Mais la langue reste. Le parler vrai, le parler juste, impose toujours sa loi. Savoir s’exprimer avec justesse, avec gourmandise, avec exactitude, avec précision, avec emphase, même, parfois, reste la meilleure de donner une image positive de soi-même et de se faire connaître. De dévoiler sa personnalité comme ses goûts, ses passions, ses combats. Rien de tel que de se faire comprendre pour être compris.
Et avec le bon choix des verbes, il y a la manière. L’intonation. La même phrase avec un ton provocateur, voire insolent, ne transmettra pas la même émotion que si elle est prononcée avec douceur, avec amour. La position du corps, l’attitude, complète la figure de style. Se tenir droit, ouvrir ses épaules, respirer, regarder ses interlocuteurs dans les yeux, la tête haute. Ça n’est pas acquis pour beaucoup, mais ça s’apprend.
L’éloquence comme outil d’élévation
C’est un constat que l’artiste et réalisateur Stéphane de Freitas n’a pas eu de mal à faire. Devenir un citoyen éclairé, cultivé, capable d’esprit critique comme d’esprit tout court passe par la parole. Depuis 2012, en Seine-Saint-Denis d’abord, il propose un parcours pédagogique, des espaces de prise de parole libre, sans jugement, dans le but de transmettre des idées et des émotions tout en construisant sa confiance en soi.
Ainsi, humain au coeur de la Cité, le jeune citoyen peut prendre position et s’engager sans crainte. Avec la création d’ateliers et puis d’un concours d’éloquence qui s’est étendu à plusieurs régions de France et au-delà, les apprentis tribuns se révèlent à eux-mêmes et au monde. Poésie, slam, texte, discours, plaidoirie, tout est bon à déclamer à condition d’y mettre du coeur et de l’authenticité.
Vous osez parler en public, vous ?
Or, avant même la mort, la plus grande peur d’un bon nombre de nos congénères serait la prise de parole en public. Parler devant une audience, quelle qu’elle soit d’ailleurs, relève du supplice pour un certain nombre d’entre nous. Raison pour laquelle il n’est jamais inutile de s’entraîner. De pratiquer l’art de l’éloquence dans le cadre rassurant de sa famille, de ses amis. Lire à haute voix aussi permet de donner le ton, d’articuler, de projeter, dans sa chambre en toute intimité, à l’abri des regards et des oreilles pour commencer. Prendre plaisir à s’entendre et enfin voler de ses propres mots, les laisser glisser, du cerveau aux lèvres, de la réflexion à l’explication.
Vous pourriez même envisager de vous lancer dans d’amicales joutes oratoires. Juste comme ça. Entre le café et le dessert. Sans agressivité ni idées arrêtées, mais avec esprit et malice, avancer ses arguments au moment le plus opportun, les préparer, le assener pour conclure, les enrober de traits d’humour pour séduire et finalement convaincre. Être le renard de la fable.
La finale 2020 du concours d’éloquence Eloquentia
Ils sont 4. Ils ont combattu de leur verbe tous leurs compétiteurs et s’apprêtent à tenter de remporter le titre d’orateur de l’année 2020. Le concours international Eloquentia connaîtra sa championne ou son champion ce soir, 11 mai 2021, en direct sur Facebook ou YouTube depuis le Studio 104 de Radio France. Ils viennent de Nanterre, Bordeaux, Bayonne et Marseille, ont entre 18 et 30 ans, maitrisent avec virtuosité toutes les subtilités du français.
Méky, Anthony, Doriane et Marine ont reçu le sujet de leur prise de parole il y a une semaine et laisseront leur voix, leur finesse, leur humour, en bref, leur éloquence, agripper l’attention de leur public, virtuel cette année. Du jury, aussi, composé du rappeur Médine, de la boxeuse et écrivaine Aya Cissoko, du journaliste Rémy Buisine, de la journaliste et réalisatrice Liz Gomis et de l’avocate Laure Alice Bouvier. Des stars du bon mot qui fait mouche.
S’entraîner pour parler en public avec talent, assurance et… singularité surtout !
S’entraîner à parler en public, c’est aussi et surtout apprendre. Abreuver son réservoir de connaissances car, sans savoir, point d’arguments. Et ne pas hésiter, parce qu’avant qu’on nous donne la parole, il faut la prendre. Pas n’importe comment. Congruence dans le fil des idées et incongruité dans la manière de les exposer, parce qu’on ne perd jamais à faire preuve d’un peu d’originalité.
Celui qui arrive à placer “roupie de sansonnet” dans son exposé gagne 20 points. Les expressions désuètes, ça c’est moderne et ça donne du gonflant au discours ! Qui se souvient des détails des prises de paroles d’Emmanuel Macron ? En revanche, on a tous en tête sa poudre de Perlimpinpin. Un coup de génie oratoire…
Eloquentia France
Finale internationale du concours d’éloquence 2020
le 11 mai 2021 à 21h
Photos : ©EloquentiaFrance