Tirer le portrait d’un photographe, c’est un peu l’arroseur arrosé. À l’abri derrière leur objectif, ils ne sont pas souvent dans la lumière. Nous sommes allées à la rencontre de Yorick Chassigneux, Yckarts, dans son studio genevois et avons été, d’un coup, transportées sur un ponton du mythique Hôtel Le Majestic Barrière en plein festival de Cannes. Paillettes et projecteurs.
Autodidacte et sûr de lui, Yorick Chassigneux dit Yckarts est un photographe libre. Guidé par sa volonté de réussir, il apprend en faisant, en essayant constamment, sans s’enfermer dans un style, sans se faire étouffer par des théories. Il ne regarde rien, il n’écoute pas les rumeurs qui font les tendances, il capte les regards, la beauté d’un instant fugace fixé à jamais par son appareil.
“L’idée appartient à celui qui la médiatise. Si ça a déjà été fait, je m’en fout, ça ne l’est pas comme je l’ai fait moi.”
C’est l’histoire d’un opportuniste fan de films à la détermination sans faille qui un jour, une bière Dodo à la main, décide de changer de vie. De virer de bord, de s’éloigner d’une lignée de sportifs en héritage pour tirer des portraits. Et pas de n’importe qui. Percer les façades, capturer une vérité derrière les étoffes et les bijoux du monde mystérieux et fascinant du cinéma. Quitter La Réunion et un avenir tracé d’éducateur sportif, d’aventurier sur de dangereuses rivières, de champion de canoë kayak et atterrir à Genève. Faire fortune peut-être en vendant des photos. Quitter l’île pour la plage du Majestic Barrière de Cannes.
Portrait d’un photographe de l’extrême
De l’extrême ou de l’adaptation. Sans doute les réminiscence de sa première vie de kayakiste de haut niveau. Ce sont les éléments qui décident, c’est le modèle qui fait la photo. Yorick, sous son pseudonyme de Yckarts le photographe, n’est jamais dans la projection et l’anticipation. Il ne dépend que de son appareil et joue de son instinct. Il a démarré la photographie sur un pari et depuis se laisse porter par le courant. Et par une objectif clair, poursuivi d’une volonté de fer : réussir.
La clé qui lui a ouvert les portes du Festival de Cannes, de ses interviews et de ses photoshoots dont lui seul est autorisé à les faire, c’est peut-être sa désinvolture. Une simplicité et une indifférence face à la notoriété qui lui a construit un regard singulier, une attitude particulière qui a l’avantage de mettre à l’aise, voire d’interpeler la plus célèbre des stars de cinéma.
Les défis comme moteur
Pourtant, Yorick n’est pas un “urbain”. Allergique au fake, il continue de naviguer quotidiennement et ressent le besoin constant de se ressourcer auprès des “vrais gens”. Ses amis, sa famille, des personnes sans artifices qui ne jouent pas ce jeu des apparences et du pouvoir de l’image. Comme une contradiction.
Lui qui voulait bien gagner sa vie sans trop travailler enchaîne pourtant les essais, les séries, les clichés, inlassablement, pour se forger un oeil, pour ne pas s’enfermer dans un style. Il a obtenu son “permis de photographier” grâce aux conseils avisés d’un ami photographe et au parrainage de Laurent Attias. Puis, il se forme lui-même. On ne peut appeler ça une passion, mais une obsession qui s’entraîne, à la manière d’un sportif de haut niveau (tiens, tiens…).
Alors, presque maniaque, Yorick / Yckarts choisi un thème, une technique et l’épuise. Comme cette série de quatre villes uniquement en réflection dans des flaques d’eau qui demande un travail de détective pour trouver le bon bâtiment avec le bon angle, la bonne heure pour avoir la bonne lumière. Un défi, un challenge en soi.
Le studio du photographe de la réalité
Les codes, la mode, les règles et les standards ? Ce ne sont que des barrières et des entraves à l’imagination. Les conditions idéales et confortables pour que tout le monde fasse les mêmes photos. Pas questions alors de se laisser brimer par ce genre de conventions, Yorick est un photographe qui vit de l’expérimentation. Une réelle liberté.
Les photos de studio, ce n’est pas fait pour lui. Or, Yoric n’en a pas moins un à disposition… Aménagé à sa sauce, équipé de projecteurs sans flash, de lampes LED à la colorimétrie infinie, le photographe tente de reproduire le mieux possible la lumière naturelle. Parce qu’il n’y a rien de mieux, à nouveau, que l’improvisation et la liberté que donne l’instant de vie qui se déroule devant son appareil, sans préparation ni mise en scène. L’art réside alors dans l’inconfort.
Photos : ©Yckarts