Chaque été sur la plage, la question se pose. Bronzette topless or not ? Seins nus, à l’air, libres et débridés ou seins contraints, couverts et protégés ? Ça dépend évidemment du lieu où l’on se trouve (une plage du fin fond de la Sicile ne se prêterait pas forcément bien au jeu, quoique, on pourrait être étonné) et surtout, ça dépend de son rapport complexe au corps. On pourrait croire que c’est un exercice surtout dévolu à la jeunesse, pourvue d’une peau à l’élasticité à toutes épreuves. On pourrait croire.
C’était notre cas, bien entendu, quand nous étions jeunes et fraîches, certaines de conquérir le monde quoi qu’en disent bien-pensance et collets-montés. Cependant, il faut avouer que l’âge peut avoir du bon (un tout petit peu). Après une période plus difficile à gérer entre maternité et désillusion, il se trouve que notre pudeur devient inversement proportionnelle à l’envie, que dis-je au besoin, de bien-être et de liberté. Résultat : nous n’hésitons pas, à l’abri de nos parasols, à faire sauter le soutif.
La plage seins nus : vivre et laisser vivre
Il est bien clair que la pratique du sein à l’air relève d’un choix personnel. Vivre et laisser vivre. C’est du moins ce que nous pensions. Ce que nous n’avions pas vu venir, c’est que les années qui passent, accompagnant notre féminité épanouie, voient aussi nos enfants grandir. Et bim ! Nous les femmes qui, poings levés (littéralement), nous démenons à donner une éducation égalitaire aux préceptes premiers de liberté de corps et d’esprit, nous voilà sous le joug d’un oeil réprobateur, voire même furibond, pour ne pas dire carrément juge, celui de nos enfants pré-ados ! Cachez ces seins nus !
Ciel ! Depuis leur bouée (généreusement offerte par leur mère) au milieu des vagues, les voilà qui scrutent la plage et pointent un doigt accusateur sur les fesses de celle-ci, le maillot de celle-là et, bien entendu, l’absence de tissu sur certaines silhouettes outrageusement dénudées. Certainement, la pudeur de ces petites humaines en mutation doit être respectée. Certainement.
Humaines, oui, car il s’agit, dans notre expérience, de demoiselles qui, non contentes de jouir d’un soutien maternel indéfectible et de se voir encouragées dans leurs révoltes au sujet la justice de ce monde, font preuve a contrario d’une morale étriquée qui dérive vite en un jugement sans appel que leur tout jeune âge pourrait rendre risible s’il n’était pas si exaspérant. Mais qui leur a appris que juger c’était bien ?
Le regard des filles sur les seins de leur mère
Elles doivent se payer la honte, comme nous le disions à leur âge : “Ça y est, ma mèèèèère montre ses seins à tout le monde, quelle horreur, c’est trop la déchéance, elle a trop la confiance, là”. Donc, s’agit-il vraiment de pudeur ? Ou le problème ne se situerait pas plutôt dans l’importance immodérée que nous donnons tous au regard des autres ?
A fortiori pour d’apprenties jeunes femmes qui ont besoin de s’essayer aux lorgnades et approbations tacites du sexe opposé/convoité (cela va sans dire, mais pas que) et qui ont tout à coup l’impression d’être le nombril de la plage ?
Du coup, que faire ? Les respecter ou se respecter ? Parce que c’est pas tout ça. On bosse toute l’année pour se mettre à l’aise deux petites semaines, si on a de la chance, si la chaleur le permet, si Jack et Sean sont de bonne composition (c’est bien les filles de leurs pères…) et on devrait se plier aux règles pudibondes de notre progéniture ? Doit-on contenir notre plaisir de profiter de la plage les seins nus ?
Tant pis. En priant pour que ça ne dure pas et qu’elles s’affranchissent de leurs auto-barrières au plus vite, nous ajoutons un peu d’eau au moulin de leur future psychothérapie. Par notre féminité débridée pointée vers le soleil qui brille (encore, oui, oui). Amen.