À l’instar du bleu pour les garçons et du rose pour les filles, le vernis à ongles subit préjugés et stigmatisation de genre. Et si la révolution était en marche ? À vos pinceaux Messieurs, le Nail Art se démocratise et se porte au féminin comme au masculin !
Souvent associée à l’homosexualité et à la rébellion, ou tout simplement à la féminité, la pratique de se peindre les ongles existe depuis plusieurs siècles. Prisé et ensuite stigmatisé puis oublié avant de redevenir populaire, notamment dans sa version (semi) permanente, le vernis à ongles redevient aujourd’hui peu à peu à ce qu’il était à la base : un moyen d’expression, un (nail) art symbolique, fun et mixte.
C’est quoi le Nail Art ?
Le Nail Art « l’art de se faire les ongles » aussi appelé stylisme ongulaire en France, est une méthode qui consiste à se décorer les ongles à l’aide de vernis pigmenté. Un produit qui rejoint la grande famille du maquillage. Et aussi moderne que le Nail Art puisse paraitre, sachez qu’on se faisait déjà les ongles chez les Pharaons !
Pourquoi est-ce qu’on se vernit les ongles ?
Bien avant d’être purement esthétique, le Nail Art avait de fortes significations sociales et religieuses. En Chine, les familles royales utilisaient de l’or et de l’argent pour embellir leurs ongles, signe de richesse, de prospérité et de pouvoir.
Les femmes égyptiennes se teignaient les ongles au henné pour affirmer leur statut social, celles de rangs inférieurs n’étaient autorisées à utiliser que des teintes pâles et aucune n’osait porter les couleurs choisies par le roi ou la reine. Il en était de même chez les Babyloniens. Alors qu’en Amérique du sud, se peindre les ongles avait une signification plus spirituelle. Les Incas décoraient leurs ongles avec des représentations d’animaux, d’aigles fréquemment, pour honorer leurs dieux.
De l’origine d’un produit phare
L’invention du vernis à ongles semble revenir aux chinois, vers 3000 avant J.C. Ils utilisaient une laque faite d’un mélange de gomme arabique, de blancs d’œufs, de gélatine et de cire d’abeille. Une autre variante était composée de poudre de pétales de rose, d’orchidée et d’impatiente mélangée à de l’alun et qui, une fois longuement appliquée sur les ongles, laissait une couleur rosée. Les Égyptiens utilisaient des teintures brun-rouge obtenues à partir de henné pour colorer leurs ongles ainsi que le bout de leurs doigts. Le henné est encore très utilisé de nos jours.
Un ongle qui brille est synonyme de beauté et de bonne santé
Au début du XIXème siècle, la brillance de l’ongle prend toute son importance. En effet, les ongles étaient teints à l’aide d’huiles parfumées puis polis et lustrés avec de la peau de chamois. Encore un siècle plus tard, les femmes continuent de se polir les ongles qui étaient massés avec des poudres et des crèmes pigmentées pour les rendre brillants et colorés. Les vernis étaient alors appliqués avec des brosses en poil de chameau.
C’est inspirées des premières peintures automobiles que les laques de couleur pour les ongles ont vu le jour dans les années 20. Puis, en 1932, Charles Revson, accompagné de son frère Joseph et du chimiste Charles Lachman, invente le premier vernis moderne et le commercialise sous une marque toujours en activité aujourd’hui : Revlon. Quelques années plus tard apparaitront les vernis métallisés et à paillettes. Il existe même aujourd’hui des vernis thérapeutiques destinés à soigner l’ongle (contre les mycoses par exemple).
Nail Art : Autant pour les filles que pour les garçons
Bien que n’étant, à la base, aucunement associé au sexe ni au genre, le vernis à ongles a subi au cours de son histoire une forte stigmatisation. Devenu symbole de féminité et de coquetterie, il s’est trouvé prisonnier de normes sociétales très genrées. Une « règle de normalité » alors implantée dans l’esprit collectif qui a inévitablement conduit à la marginalisation des « contrevenants » et aux préjugés. Si un homme se peint les ongles, c’est qu’il est artiste (notamment dans le rock, hard ou métal, avec des ongles noirs) ou qu’il est efféminé. Voilà. On ne vole pas haut.
Quoi qu’on en dise, les normes ne sont-elles pas faites pour être outrepassées ? La féminisation du vernis à ongles n’a aucunement empêché des hommes, et tout autres genres, d’en porter, même s’ils essuyaient sans conteste des regards, du moins interrogatifs, malheureusement méprisants voire haineux. On peut effectivement constater que, depuis plusieurs années, le Nail Art se « dé-féminise », devenant accessible à tous. Remercions les nombreuses célébrités masculines qui exhibent fièrement leurs nouvelles manucures et, de fait, tendent à en banaliser la pratique masculine.
Not « man » but everyone-icure!
À l’époque, David Bowie, Steven Tyler ou encore Kurt Cobain ont ouvert la voie en décomplexant les « man-icures ». En s’affichant avec des ongles faits, dans le but entre autres de se détacher des normes imposées, ils ont rendu le vernis cool et tendance aux yeux de leur public.
“Don’t be judgmental and have fun with it. That’s what Pleasing represents.”
Récemment, des stars comme A$AP Rocky, Harry Styles, Jared Leto, Pete Davidson ou Lil Nas X se montrent avec des manucures remarquablement stylistiques #boynails. Au-delà de la beauté du travail artistique, le « male polish » lance un appel fort à la déconstruction des normes sociétales dont peuvent aussi être victimes les hommes, particulièrement dans les domaines de la beauté et de la mode. Ils prouvent par la même occasion que les attentes traditionnelles de ce que devraient être la féminité et la masculinité sont désuètes.
@PeteDavidson
Du style, bien au-delà des stéréotypes de genre. Vous l’aurez compris : le Nail Art est devenu une nouvelle forme d’expression personnelle, qui n’a ni sexe ni loi. Et puis, on ne sera jamais contre une pratique qui met en avant le soin de soi et la propreté des mains ! À bon entendeur…
Photo de Une : Mick Fleetwood, photographed by Anthony Pham, for Pleasing