Des lèvres très rouges et puis des yeux très charbonneux. Du noir et du cuir. Le magazine de la photographe Claire Rothstein est rock n’roll. De très belles images défilent sur le mur Instagram de Girls.Girls.Girls., un magazine quelque peu énigmatique qui annonce néanmoins le genre. On y admire de la photographie de mode, des mises en scènes glamour, des stars, des jambes interminables sur aiguilles. Quelques mannequins grandes tailles. Une pincée de femmes plus âgées. Dans l’air du temps.
Le 24 février est sortie sur les réseaux une vidéo qui fait le buzz nommée Be A Lady They Said. Cynthia Nixon, la Miranda de Sex and the City lancée depuis dans la politique, scande les injonctions qui s’insinuent dans nos oreilles féminines. Un texte publié en 2017 par la jeune bloggeuse Camille Rainville qui rythme les captures en mouvement des shootings du magazine de Claire Rothstein.
“Ta jupe est trop courte. Ta jupe est trop longue. Ton pantalon est trop serré. Ne montre pas tes épaules. Couvre-toi. Laisse-en un peu pour l’imagination. (…) Ne sois pas une tentatrice. Les hommes savent se contrôler. Les hommes ont des besoins.”
Be A Lady They Said, la vidéo
Anxiogène, puissant, le clip nous laisse un peu sans voix, justement. On se reconnaît, c’est sûr. Toutes. Mais on se détache aussi de cette image de la femme qui finalement se victimise. C’est pas nous.
Être une victime du patriarcat et de ses dramatiques dérives, c’est une chose. Nous sommes les premières à ne plus vouloir et ne plus supporter les remarques, les différences, les inégalité et les agressions, quelles qu’en soient leurs formes.
Mais la question n’est pas là. Nous ne voulons pas nous laisser envahir par les dictats, aujourd’hui, avec ce qu’on sait, et s’en plaindre. Nous avons notre destin et notre image en main ! Ne jamais oublier que c’est aussi à nous, les femmes, les filles, de ne pas toujours écouter ce qu’ils disent… Ne nous mettons pas dans cette position de victime noyée dans les envies d’une société. Nous sommes plus FORTES que cela.
Vidéo coup de poing. Coup de pub ?
Par ailleurs, ce magazine qui expose corps parfaits, fesses lisses et rebondies, lèvres charnues de femmes grassement maquillées, richement vêtues, magnifiquement mises en scène se fait le porte-parole des femmes, qui ne peuvent objectivement pas s’identifier. Des femmes qui ne sont absolument pas représentées dans ses pages. Nous toutes en fait.
Peut-être qu’on n’a rien compris. OK, les images dénoncent en se mettant en contradiction avec le texte de Camille Rainville. Mais elles finissent par nous mettre mal à l’aise. La prouesse esthétique, la froideur glacée de cette oeuvre, devenue étendard d’un organe de presse servent-elles la cause des femmes ? N’est-ce pas finalement un objet de marketing qui surfe sur un trend ? So what ?
Doit-on se laisser démonter par les pressions extérieures ? Et si j’ai pas envie d’être une Lady, mais juste une roturière bien dans ses baskets ?
Lettre à ma fille
Attention, nous prenons évidemment des pincettes, nous remettons les choses dans leur contexte. L’égalité n’est pas là. De l’autre côté du monde (ou pas), elle est à mille lieues d’être là. Les paroles qui se libèrent, les mouvements qui protègent, les femmes courageuses qui se dressent, c’est essentiel, c’est nécessaire. Mais on se pose la question… est-ce que, justement, ces femmes qui se battent écoutent ce qu‘ils disent ? Parce que des remarques désobligeantes, on en essuiera toute notre vie. Et ce n’est pas réservé aux filles. On n’est pas dupe.
Be A Lady They Said. They said ? Et moi, qu’est-ce que je veux ? Quelle femme je souhaite être, je souhaite devenir ? Vais-je laisser la société, les hommes, les autres femmes (il y en a… des tonnes !) me définir et m’envahir ?
Mais NON ! Fuck what they said ! Les filles, regardez cette vidéo pour ce qu’elle est : Un objet artistique extrêmement bien réussi. Et puis passez votre chemin. Vivez au rythme du “JE” . Admirez les femmes qui se battent et qui n’écoutent pas ce qu’ils disent. Changez le monde.
GIRLS. GIRLS. GIRLS. MAGAZINE
Vidéo Be a Lady they said
Réalisation : Paul McLean
Texte : Camille Rainville
Narration : Cynthia Nixon
Production : Claire Rothstein
Musique : Louis Souyave
